Page:Sue - Mathilde, tome 4.djvu/298

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— Par le ciel ! il y a un abîme entre votre caractère et le mien… Vous êtes une pauvre jeune femme, faible et sans énergie ; vous ne saviez rien de la vie et des passions, mais je n’en suis pas là… Après tout il ne sera pas dit qu’une provinciale de dix-huit ans, inconnue, sans consistance et maintenant perdue, abandonnée de tous, me jouera de la sorte… Elle me fuit… elle ne veut pas consentir à me revoir, donc elle me craint… Oh ! je le comprends ; ce caractère insolent et hautain redoute de rencontrer un maître… La vanité ne m’aveugle pas, elle cherche à se tromper elle-même ; elle est si rusée, elle me craint tellement que, dans sa lettre, pour m’ôter tout soupçon de l’influence que j’exerce sur elle, elle attribue d’avance à mon amour-propre la juste confiance que doit me donner toute sa conduite ; car elle m’a dit ces mots : que votre orgueil n’aille pas s’imaginer que je vous fuis parce que je vous crains… c’est cela… c’est cela… Plus de doute, je m’étais désespéré trop tôt… elle me craint… donc elle m’aime… L’amour me rendait aussi aveugle qu’un écolier… Oh ! Mathilde, vous serez vengée.