Page:Sue - Mathilde, tome 6.djvu/205

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monde ; vous êtes, vous serez ce que désormais j’estimerai le plus religieusement. Je vous dois de connaître un bonheur que je ne soupçonnais pas, le bonheur de vivre dans une autre ; ou plutôt de faire vivre une autre personne, par cela seulement qu’on vit pour elle.

« J’éprouve pour Emma un attachement tout à part. Elle m’est tellement identifiée, assimilée, j’ai la conscience et la preuve d’avoir sur elle une influence si directe, pour ne pas dire si vitale, que je suis à la fois heureux, fier et inquiet de mon action.

« Rien de plus attendrissant, de plus charmant que la naïve extase avec laquelle elle considère parfois la vie que je lui ai faite. Vous aviez raison, Mathilde, son bonheur m’a rendu heureux, son amour m’a rendu presque amoureux.

« Pourquoi vous le cacherais-je ? ce n’est pas là… l’amour que je ressentais pour vous… celui-là a été tué tout entier, tout d’un coup. Il est mort sans dépérissement, sans agonie ; il a été foudroyé dans sa grandeur et dans sa force.