Page:Sue - Mathilde, tome 6.djvu/206

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« Je vous l’ai dit souvent, les morts ne vieillissent pas dans la tombe ; s’ils sortaient par miracle de leur sépulcre, ils revivraient tels qu’ils y sont descendus… Eh bien ! il en est de même de mon amour pour vous ; s’il revivait par miracle, il revivrait tel qu’il était lorsqu’il a été subitement frappé au cœur.

« Non, non, grâce au ciel, et heureusement pour moi, pour vous et pour Emma, le sentiment qu’elle m’inspire n’est pas composé de débris du nôtre : c’est un sentiment jeune et vierge qu’elle seule peut-être pouvait me faire éprouver ; car son amour ne ressemble à celui d’aucune femme, et ce sont les amours pareils qui font les amours pareils.

« Je ne puis avancer d’un pas dans la voie généreuse où vous m’avez engagé sans me dire : Mathilde avait raison ; — sans me rappeler ces nobles et saintes paroles : — Lorsqu’on est forcé de renoncer à ce qui aurait pu faire notre félicité sur la terre, que nous reste-t-il sinon de nous consoler en rendant les autres aussi heureux que nous aurions voulu l’être ?