Page:Sue - Mathilde, tome 6.djvu/207

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« Comme vous le disiez, je suis quelquefois tenté de me croire un peu dieu en voyant le bonheur de ceux qui m’entourent. Je ne puis vous peindre le profond ravissement de cette bonne duchesse. Elle ne peut croire encore à ce mariage. Quelquefois elle attache sur moi ses yeux humides de larmes en me disant : — C’est donc bien vrai, ce n’est pas un songe, vous avez pris mon enfant dans votre paradis ! — Et puis, quelquefois, malgré moi, elle m’attriste en s’écriant avec effroi : — Cette félicité est trop parfaite, quelque malheur nous menace !

« Je la rassure autant que je le puis, mais elle est superstitieuse comme tous les gens qui ont éprouvé de violents chagrins ; sans vous, sans votre insistance, qui m’a fait sortir de la morne apathie où j’étais plongé, moi aussi je serais devenu fataliste…

« Nous avons agité la question de savoir s’il était opportun de préparer Emma à la révélation du secret de sa naissance : je ne le pense pas ; la délicatesse et la sensibilité d’Emma sont telles, que je craindrais que cette révélation ne lui devînt une source