Page:Sue - Mathilde, tome 6.djvu/274

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pour faire quelque projet, c’est pour y revenir bientôt avec un nouveau plaisir. Que vous dirai-je ! cette vie n’a peut-être pas le grandiose, l’enthousiasme, les sublimes élancements de la passion ; mais elle est paisible et riante. Après la vie que j’avais rêvé de partager avec vous, je n’en sais pas de plus agréable que celle-ci… Dans les premiers temps de mon mariage je désirais qu’un sentiment plus vif se développât en moi, maintenant je le regretterais ; il ôterait à l’attachement que j’ai pour Emma ce caractère qui fait, qu’il ne ressemble à aucun autre.

— Vous avez raison, mon ami ; l’espèce de culte profond qu’Emma ressent pour vous, exclut pour ainsi dire de votre part tout retour galant. Que votre modestie ne s’alarme pas de cette comparaison ; mais les dieux, si bons qu’ils soient, n’aiment pas de la même manière qu’ils sont aimés.

— Ah ! Mathilde ! — me dit-il en riant — je sens la griffe de mademoiselle de Maran sous cette divinisation moqueuse.

— Je vous estime trop pour exagérer vos louanges… Avouez qu’il y a du vrai dans ce