Page:Sue - Mathilde, tome 6.djvu/322

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Je viens de relire cette longue histoire depuis mon mariage jusqu’aujourd’hui 10 avril 1839.

Je suis maintenant indécise : enverrai-je ces pages si tristes à celui pour qui je les ai écrites ? L’heure de ma réhabilitation auprès de lui est-elle enfin venue ? Est-il temps de lui avouer combien je l’aimais… combien je l’aime encore ? Cet aveu n’est-il pas une faute ?

Une faute ? Non. Qu’importe qu’il sache que je l’aime… que je n’ai jamais aimé que lui ?… Je suis sûre maintenant de n’être jamais indigne ni de moi, ni de lui…

Et puis je ne sais ce que l’avenir me réserve… Avant-hier j’ai reçu quelques lignes de M. de Lancry ; il m’annonce son prochain retour… Il peut me forcer à le suivre… à quitter pour jamais la France… que sais-je ! J’ai consulté plusieurs avocats ; il ne me reste aucun moyen de me soustraire au pouvoir de M. de Lancry, s’il veut l’employer.

Si je suis réduite à cette extrémité, au moins l’homme que j’aime, que j’estime le plus au monde, connaîtra mes secrètes pensées. Il saura que je n’ai jamais démérité de lui… il