Page:Sue - Paula Monti, tome 1, 1845.djvu/69

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vous… que je sois encore couvert de ridicule… Tenez, ajouta M. de Brévannes en se levant, les dents serrées, et en fermant les poings avec rage, à cette seule pensée je ne me possède pas.

Et il se mit à marcher à grands pas.

— Vous avez raison, Charles, dit tristement Berthe, notre jalousie n’est pas pareille ; la mienne intéresse mon cœur, la vôtre votre orgueil ; mais il n’importe, je la respecte. M’avez-vous jamais entendue me plaindre de l’isolement où je vis ? Excepté mon père, que vous me permettez d’aller voir deux fois par semaine, et quelques personnes de votre famille que vous désirez que je reçoive, je vis seule… ; heureuse de vivre seule, je me hâte de vous le dire.

— Ce qui ne vous empêche pas de trouver le temps long, n’est-ce pas ? Et tout le monde sait l’effet de la solitude et du désœuvrement chez les femmes…

— Je ne suis pas désœuvrée, mon ami ; j’aime passionnément la musique… je dessine, je lis. Quant à la solitude, il ne dépend pas de moi que vous restiez davantage chez vous.

Pendant que madame de Brévannes parlait, son mari s’était machinalement approché de la croisée, dont il avait entr’ouvert les rideaux.

Il vit de l’autre côté de la rue, au premier étage d’une maison située en face de la sienne,