Page:Sue - Paula Monti, tome 2, 1845.djvu/155

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sent… Oh ! que je m’en veux de ma vivacité ; on s’explique si mal quand on est fâché ! Mais tenez, puisque nous sommes en confiance, laissez-moi vous parler à cœur ouvert.

— Je vous en prie… si vous saviez combien je suis touchée de ce langage si nouveau pour moi.

— C’est que le sentiment que j’éprouve pour vous est aussi presque nouveau pour moi.

— Charles, je ne vous comprends pas.

Après un moment de silence, M. de Brévannes reprit :

— Écoutez-moi, ma chère enfant. On aime sa femme de deux façons, comme maîtresse ou comme amie. Pendant longtemps je vous ai aimée de la première façon. Des torts que je ne veux pas nier, mais que vous avez punis par une décision irrévocable, ne me permettent plus de vous aimer que comme amie ; mais pour passer de l’un à l’autre de ces deux sentiments, la transition est pénible… surtout lorsqu’il faut renoncer à une aussi charmante maîtresse.

— De grâce…

— Le sacrifice est fait… c’est à mon amie, à ma sincère amie que je parle, que je parlerai désormais.

M. de Brévannes dissimula si parfaitement ses mauvais desseins, et dit ces mots d’une voix si pénétrante, qu’une larme roula dans les yeux de Berthe ; un aveu de ses torts lui vint aux lèvres. Elle prit la main de son mari, la serra cordialement entre les siennes et répondit :