Page:Sue - Paula Monti, tome 2, 1845.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

maudit vous qui m’avez presque forcée à un mariage sans amour… en tuant mon fiancé… que j’aimais tendrement…

« Oui ; je l’aimais d’un attachement d’enfance qui s’était changé avec les années en un sentiment plus vif que l’amitié, mais plus calme que l’amour…

« Quelle est ma vie maintenant ? Horrible… horrible… avec toutes les apparences du bonheur… si la richesse est le bonheur… À jamais enchaînée à un homme qui bien souvent, hélas ! me fait regretter le sort de Raphaël.

« Pauvre Raphaël ! mourir si jeune !… Hélas ! en provoquant M. de Brévannes, il cédait à un élan de juste et courageux désespoir… Et pourtant son meurtrier a, de son côté, non sans raison, invoqué le droit de légitime défense….

« Il n’importe, Raphaël au moins ne souffre plus ; moi je souffre chaque jour ; chaque instant de ma vie est un supplice… Que faire ?

« Se résigner.

« Pour sortir de ma douloureuse apathie, il m’a fallu revoir cet homme, qui a causé tous mes chagrins.

« Chose étrange ! je m’étais fait une idée tout autre de ce que je devais, selon moi, ressentir à son aspect… Oui, je l’avoue avec horreur (qui saura jamais cet aveu ?) mon courroux, mon exécration, ne me semblent pas à la hauteur de ses crimes…

« En vain je maudis ma faiblesse… en vain je me