Page:Sue - Paula Monti, tome 2, 1845.djvu/54

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vidence voulut qu’au lieu de m’accouder et de me pencher comme d’habitude sur la balustrade… j’y posai la main… À peine l’eus-je touchée que, à mon grand effroi, elle céda et tomba avec un fracas horrible…

— Ciel ! — s’écria Berthe.

— La hauteur était si grande que cette grille de fer fut brisée en morceaux en tombant sur le pavé.

— Quelle atroce combinaison ! — dit Pierre Raimond en levant les mains au ciel.

— Ma mort était inévitable si je me fusse appuyé sur cette rampe… Qui pouvais-je accuser, si ce n’est Paula ? Personne n’avait d’intérêt à ma mort. Ignorant qu’une faillite m’avait enlevé presque toute ma fortune, elle se souvenait sans doute que dans des temps plus heureux je lui avais fait donation de mes biens. Cette idée ne m’était jamais venue tant qu’avait duré mon amour… Il m’a toujours semblé impossible de soupçonner d’une infamie les gens que j’aime… J’aurais pu, à la rigueur, croire ma femme capable d’obéir à un mouvement de haine insensée, mais non d’agir par un calcul si lâche et si odieux ; pourtant, une fois mon amour éteint, en présence de ce nouveau piège si meurtrier, je ne reculai devant aucune supposition. Seulement, pour éviter de tristes scandales, je me contentai de déclarer à Paula qu’elle quitterait à l’instant la ville que nous habitions, que je ne la reverrais jamais, et que j’étais assez indulgent, ou plutôt assez faible pour la livrer à ses seuls re-