Piquant comme les gais caprices
Des moqueuses au jeu cruel,
Insinuant comme le miel
Des câlines adulatrices !
Je les aspire, curieux,
Pour interroger le beau songe
Où leur suavité me plonge…
Nul ne parle bien de tes yeux,
Et nul, non plus, ne sait bien dire,
Si fin qu’il soit ou si puissant,
Tout ce qu’on voit, tout ce qu’on sent,
Dans ton candide et clair sourire. —
Il persévère. En vain chaque parfum nouveau
Évoque un idéal en son jeune cerveau :
Le plus exquis n’a point exprimé tout encore
Du charme exquis de l’âme et des traits qu’il adore ;
Mais, parmi la jonchée éparse sous ses doigts,
Voici qu’une humble fleur sollicite son choix :
Elle est d’un bleu si tendre, elle est si satinée
Qu’elle rappelle aux yeux un ciel de matinée.
Il la prend. Aussitôt, comme un homme altéré
Accueille avec transport le breuvage espéré,
Il flaire avidement la tremblante corolle,
Et reste fasciné, l’œil fixe, sans parole,
Sous le frêle encensoir dont le pistil fumant
Lui verse le suprême et juste enchantement ;
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