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Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/306

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« Il ne s’arrête plus sur l’essence divine,
Mais par un sage instinct s’y dérobe, pareil
À l’œil baigné de jour qui dans l’éther devine
Et ne regarde pas la face du soleil ;
 
« Averti désormais qu’il ne fait prisonnière
Que la vérité proche, éparse autour de lui,
Il en a recueilli la diffuse lumière
En un seul rayon blanc que je t’offre aujourd’hui.

« Mais ce présent ici n’est plus qu’un don futile
Et pour ton âme avide est d’un menteur attrait.
Ah ! le moindre cristal t’y serait plus utile :
Le jour en l’irisant du moins t’égayerait ;

« Tu pourrais y verser le vin que tu préfères
Et l’en remplir encore après l’avoir tout bu.
La vérité n’a pas l’éclat joyeux des verres,
Et l’esprit qu’elle inonde est à jamais repu.

« Tu verras s’écouler, procession rampante,
Les accidents poussés par le guide éternel,
Comme un fleuve qu’entraîne entre ses bords sa pente
Et dont l’eau vient du ciel, passe, et retourne au ciel,

« Et devant ce spectacle (oiseux et monotone,
Car tu n’as plus besoin, pour vivre, d’inventer
Ni d’apprendre, et plus rien de ce qu’on sait n’étonne)
Tu ne tarderas pas à t’en désenchanter.