Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/46

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Car l’anoblissement du regard que tu charmes,
O sculpture sévère, est ton plus grand bienfait ;
Ton chef-d’œuvre en éteint les ardeurs sous les larmes
Qu’arrache l’Infini caché dans le Parfait.

II

Ceux de nous que la chair a séduits par la ligne
Pleurent d’être nés tard sous nos rudes climats,
Enviant aux anciens cette fortune insigne
D’avoir connu le Beau qui ne se voilait pas.

La vue au peuple grec n’en fut pas interdite :
Sur le corps se moulait le lin souple et léger.
Heureux les Praxitèle ! ils voyaient Aphrodite
Au grand jour, en plein air, de la vague émerger.

Et, déesse mêlée aux mortelles d’Athènes,
Dans un groupe accompli, sereine, resplendir.
Et, la main sur la hanche, au retour des fontaines.
Élever vers l’amphore un bras et l’arrondir.

Drapée, et cependant fidèle à la lumière
Sous des plis peu jaloux de la dissimuler.
Sa forme souveraine, à leurs yeux coutumière,
Leur exaltait le cœur au lieu de le brûler.