Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome I, 1882.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
151
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Ô Canada ! plus beau qu’un rayon de l’aurore,
Te souvient-il des jours où, tout couvert encore
Du manteau verdoyant de tes vieilles forêts,
Tu gardais pour toi seul ton fleuve gigantesque,
Tes lacs plus grands que ceux du poème dantesque,
Et tes monts dont le ciel couronne les sommets ?

Te souvient-il des jours où, mirant dans les ondes
Le feuillage orgueilleux de leurs branches fécondes,
Tes immenses sapins saluaient ton réveil ?
Où déployant les dons de la grande nature,
Tu montrais, reposant sur un lit de verdure,
Ta sauvage grandeur aux rayons du soleil ?

Te souvient-il des jours où l’écho des montagnes
Chantait, comme un clairon, au milieu des campagnes
L’hymne de l’Iroquois scalpant ses ennemis ?
Où tes vieux héros morts, assemblés sur les grèves,
Venaient, pendant la nuit, illuminer les rêves
De tes sombres guerriers sur la rive endormis ?

Te souvient-il des jours où passant dans l’orage,
Les dieux de tes forêts portés sur un nuage,
De leurs longs cris de guerre enivrant tes enfants,
Leur montraient dans la mort une vie immortelle,
Où leur âme suivrait une chasse éternelle
D’énormes caribous et d’orignaux géants ?

Un jour, troublant le cours de tes ondes limpides,
Des hommes étrangers, sur leurs vaisseaux rapides,
Vinrent poser leur tente au sein de tes grands bois.
Ils pliaient les genoux en touchant ton rivage,
Puis au maître du ciel adressant leur hommage,
Plantaient un drapeau blanc à côté d’une croix.

Et prenant ce drapeau, ces hommes au teint pâle
Portèrent les rayons de sa couleur d’opale
Jusqu’aux bords sablonneux du vieux Meschacébé,
Et devant cette croix, qui brillait dans tes ombres,
Tu vis tes dieux vaincus pleurer sur les décombres
Amoncelés autour de leur autel tombé !

Le lecteur a parcouru un siècle de l’histoire de la Nouvelle-France, commençant avec l’entreprise du baron de Léry, à l’île de Sable (1518), et finissant à l’apparition de Louis Hébert, le laboureur, sur la haute-ville de Québec (1617). Nous allons voir se former, à partir de ce moment, des familles dont la descendance est encore parmi nous.

Peut-être vaut-il mieux récapituler ici les événements qu’embrasse cette période d’un siècle écoulé :

1518. Le baron de Léry laisse sur l’île de Sable quelques animaux qu’il avait l’intention de transporter dans les terres de l’Amérique, où il se proposait de fonder un établissement.