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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

le même Poutrincourt, qui l’obtint aussitôt, ne se montra ni tendre ni juste envers les pauvres pêcheurs, Basques, Bretons et Normands, qui avaient porté plainte au conseil du roi contre les gens de Sainte-Croix.

Le 11 mai 1606, Poutrincourt partit de la Rochelle, sur le Jonas, navire de cent cinquante tonneaux, capitaine Foulques, pilote Olivier Fleuriot, de Saint-Malo, et se dirigea vers l’Acadie. Il avait sur son navire un nommé Ralleau, secrétaire du sieur de Monts, qui en était à son deuxième voyage en Acadie, et Marc Lescarbot, avocat, poète, homme de loisirs. Voici quelques fragments du morceau de vers que celui-ci écrivit de la Rochelle, avant de partir, « lequel, dit-il, je fis imprimer en la dite ville, le troisième d’avril mil six cent six, et fut reçu avec tant d’applaudissements du peuple, que je ne dédaignerai point de le coucher ici : »


Après que la saison du printemps nous invite
À sillonner le dos de la vague Amphitrite,
Et cingler vers les lieux où Phébus chaque jour
Va faire, tout lassé, son humide séjour —
Je veux ains que partir dire adieu à la France,
Celle qui m’a produit et nourri dès l’enfance ;
Adieu, non pour toujours, mais bien sous cet espoir
Qu’encores quelque jour je la pourrai revoir.
Adieu donc douce mère, adieu France amiable ;
Adieu de tous humains le séjour délectable…
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Adieu, côteaux vineux et superbes châteaux.
Adieu l’honneur des champs, verdure et gras troupeaux.
Et vous, ô ruisselets ! fontaines et rivières,
Qui m’avez délecté en cent mille manières
Et mille fois charmé au doux gazouillement
De vos bruyantes eaux — adieu semblablement.
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De Monts, tu es celui de qui le haut courage
A tracé le chemin à un si grand ouvrage
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Poutrincourt, c’est donc toi qui a touché mon âme
Et lui as inspiré une dévote flamme
À célébrer ton lot et faire par mes vers
Qu’à l’avenir ton nom vole par l’univers.
Ta valeur, dès long temps en la France connue,
Cherche une nation aux hommes inconnue,
Pour la rendre sujette à l’empire français,
Et encore y asseoir le trône de nos rois.
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Pour m’égayer l’esprit ces vers je composais
Au premier que je vis les murs des Rochelais.