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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

premiers jours d’octobre. Comme France-Roy et Tadoussac, Port-Royal était abandonné. France-Roy a été remplacé par Québec, qui est dans son voisinage ; Port-Royal ne tarda pas à voir reparaître les Français ; Tadoussac attend encore des colons.

Poutrincourt, son fils Biencourt et Lescarbot, se rendirent par mer à Honfleur, et de là à Paris, où il « présenta au roi les fruits de la terre d’où il venait, et spécialement le blé, froment, seigle, orge, avoine, comme étant la chose la plus précieuse qu’on puisse rapporter de quelque pays que ce soit. Il eût été bienséant de vouer ces premiers fruits à Dieu, et les mettre entre les enseignes de triomphe en quelque église… D’autant que le premier but du sieur de Poutrincourt est d’établir la religion chrétienne en la terre qu’il a plu à Sa Majesté lui octroyer, et à icelle amener les pauvres peuples, lesquels ne désirent autre chose que de se conformer à nous en tout bien, il a été d’avis de demander la bénédiction du pape de Rome, premier évêque en l’Église, par une missive faite de ma main, au temps que j’ai commencé cette histoire, laquelle a été envoyée à Sa Sainteté, avec lettres de sadite Majesté, en octobre 1608. » (Lescarbot.)

De Saint-Malo, Champlain se dirigea vers la Saintonge, son pays natal. Il ne publia son rapport qu’en 1613, avec une épitre au jeune Louis XIII, et une dédicace à Marie de Médecis, mère du roi. Un poète qui signe « L’ange, » et un autre qui se nomme « Motin, » adressèrent des stances à l’auteur ; on les trouve en tête du livre. Après avoir fait parler la France, l’un d’eux s’écrie


Français, chers compagnons, qu’un beau désir de gloire,
Époinçonnant vos cœurs, rende votre mémoire
Illustrée à jamais ! Venez, braves guerriers —
Non, non, ce ne sont point des espérances vaines :
Champlain a surmonté les dangers et les peines,
Venez pour recueillir mille et mille lauriers.


Tant il est vrai que tout est possible en vers !

L’autre rimeur n’est pas moins enthousiaste :


Quels honneurs et quelles louanges
Champlain ne doit point espérer,
Qui de ces grands pays étranges
Nous a su le plan figurer.
Ayant neuf fois tenu la sonde
Et porté dans ce nouveau monde
Son courage aveugle aux dangers
Sans craindre des vents les haleines,
Ni les monstrueuses baleines,
Le butin des Basques légers.