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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

On voit ici que les Algonquins, les Hurons et les gens de l’Iroquet étaient dès lors intimement liés. Avec eux se tenaient les Montagnais du Saguenay, et, par parenté avec ces derniers, les Attikamègues du Saint-Maurice, plus timides que guerriers. Tel était l’assemblage de peuples qui, avec l’aide des Français, comptaient tenir tête aux Iroquois.

Cinq ou six nations, dispersées depuis le Saguenay jusqu’au lac Huron, sans chef suprême, sans plan d’unité, sans cohésion en un mot, allaient lutter, peu d’années après la mort de Champlain, contre une association habilement formée, se maintenant par une véritable discipline, et dont le foyer, peu étendu, occupait un site écarté, commode, et protégé par le voisinage des colonies anglaises et hollandaises.

Lorsqu’en 1609 Champlain eût fait alliance avec les Algonquins, ceux-ci se rapprochèrent des Trois-Rivières. La guerre, qui s’étendit quelques années après jusque vers le haut de l’Ottawa, les contraignit à rechercher davantage les Français. À partir de 1635, il est aisé de suivre, dans les registres des Trois-Rivières et dans les Relations des Jésuites, le rôle qu’ils jouaient en ce lieu. Nicolas Perrot nous dit que, vers 1640-50, les villages de cette nation étaient tous aux environs des Trois-Rivières.

En 1615, Champlain visita le pays des Hurons, et fit partie d’une troupe qui alla attaquer, au delà du lac Ontario, un fort iroquois situé en arrière d’Oswégo, à peu près où est la ville de Syracuse aujourd’hui. Malgré des actes d’hostilité de ce genre, la destruction de la tribu huronne ne commença que fort tard, vers 1648. Nous savons que, en 1615, Champlain reconnut que ceux-ci avaient dix-huit bourgades, renfermant quarante mille âmes. Les Français les nommèrent Hurons parce qu’ils se rasaient les cheveux ou les redressaient de manière à former sur la tête, du front à l’arrière, une crête assez semblable à la hure d’un sanglier.

En 1608, la tribu de l’Iroquet habitait l’intérieur d’un territoire triangulaire, dont Vaudreuil, Kingston et Ottawa formaient les angles.

Dans les années 1610, 1615-16, elle fit de nouveau partie des expéditions contre les Iroquois. Les Relations de 1633, 1637, 1640, 1646 la mentionnent encore comme étant d’une certaine importance.

Jusque vers 1630, la supériorité des Iroquois n’était pas bien marquée. Les Algonquins rachetaient par le courage ce qui leur manquait en prudence et en discipline ; mais les armes à feu que les Hollandais d’Albany fournirent alors aux Iroquois donnèrent l’avantage à ceux-ci ; car les Français évitèrent, pendant longtemps, de fournir des fusils à leurs alliés.

Leur amour de la guerre jeta constamment les Algonquins dans des entreprises hasardeuses, d’où leur indiscipline était peu propre à les tirer. Il faut dire aussi qu’étant plus honnêtes, plus francs que les Iroquois, ils furent, à plusieurs reprises, victimes de la foi jurée, sur laquelle ils s’appuyaient naïvement. Notons encore que, par un empressement inconsidéré à « frapper coup, » les Algonquins occasionnèrent à leurs alliés, les Français, nombre de mauvaises affaires avec les Iroquois, à des époques où la colonie avait surtout besoin de repos et de tranquillité.