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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Passé en France, l’automne de 1632, Latour attira quelques émigrants, mais la Hêve et Port-Royal restèrent les points essentiels de la colonisation. Razilly conçut le projet de s’associer les chevaliers de Malte qui, presque tous marins, pouvaient être tentés de posséder un fief sur les côtes de l’Amérique du Nord ; malheureusement ils refusèrent, étant trop engagés ailleurs pour seconder les vues des pionniers de l’Acadie. La Hêve et Chibouctou (Halifax) attendirent des jours meilleurs.

Au sujet de Latour, qui a été accusé par d’Aulnay de mener une vie libertine, on a cité ce passage des instructions à lui (Latour) adressées (16 mars 1633) par le secrétaire d’État Bouthilier : « Vous ferez retirer de votre fort tous les gens d’église, séculiers et religieux, qui y peuvent être, lesquels vous aurez soin de faire reconduire en France, et mettez en leur lieu et place des pères capucins. » Ceci nous semble avoir été moins un acte de censure qu’une précaution pour laisser le champ libre aux seuls capucins. L’expérience historique nous enseigne que deux ou trois ordres religieux se nuisent dans les circonstances ou se trouvait placé l’Acadie. D’ailleurs Razilly avait demandé des récollets (capucins) ; cela suffirait pour tout expliquer. Nous devons noter cependant que le père Julien Perrault, jésuite de Nantes, était au cap Breton en 1634. L’année suivante, il fut enjoint « aux récollets de la province de Paris d’aller dans l’Amérique septentrionale, dite communément Canada. » Il faut entendre par là l’Acadie puisque les récollets n’allèrent point au Canada. Ce qui est certain c’est que les prêtres ne manquaient pas en Acadie, après 1632, et avant cette date il y en avait toujours eu quelques uns.

Razilly avait amené (1632) trois capucins. Écrivant à Richelieu (15 juillet 1634) il dit : « Ces pères nous ont si bien conduits par leur exemple que le vice ne règne point en cette habitation. » On doit ici comprendre la Hêve et le cap de Sable où était Latour. Et il ajoute : « La charité et l’amitié y sont sans contrainte… Les sauvages se soumettent de leur franche volonté à toutes les lois qu’on veut leur imposer, soit divines soit humaines, reconnaissant Sa Majesté Très-Chrétienne pour roi. »

Les choses en étaient à ce point lorsque Razilly mourut, en 1636. D’Aulnay prit le commandement et l’étendit même jusqu’à Pentagoët, fondé par Latour. Il y a lieu de croire que la compagnie des Cent-Associé confirma ses pouvoirs, mais Denys et Latour s’accommodaient mal de ce régime.

Depuis quatre ans, Latour avait eu mainte fois maille à partir avec les Anglais qui fréquentaient les côtes de Boston à l’Acadie. Des hommes avaient été tués, des postes ou comptoirs de traite brûlés. Une crise se préparait dans cette direction et c’est probablement pour la prévenir que d’Aulnay y porta son autorité.

Les terres de la Hêve étaient peu fertiles. Une rangée de montagnes les coupe à une courte distance. Tout développement agricole devenait impossible. D’Aulnay transporta les colons de ce lieu à Port-Royal. Ceci se passait de 1636 à 1640. Il ne resta à la Hêve que les familles des métis, les magasins et les gens nécessaires pour les garder. Une route fut ouverte entre les deux établissements. Les familles appelées de France (1636-1640) par le