fêtes et les dimanches. Troisièmement, taxer les marchandises à un prix assez raisonnable, pour que le marchand y trouve son compte et son profit, sans écorcher les habitants et les Sauvages. Quatrièmement, défendre le transport de France en Canada, des brocards, des galons, et rubans d’or ou d’argent, et des dentelles de haut prix. Cinquièmement, ordonner aux gouverneurs-généraux de ne pas vendre de congés pour aller en traite chez les Sauvages des grands lacs. Sixièmement, établir des cures fixes. Septièmement, former et discipliner les milices pour s’en servir dans l’occasion aussi utilement que des troupes. Huitièmement, établir des manufactures de toiles, d’étoffes, etc. Mais la principale chose serait d’empêcher que les gouverneurs, les intendants, le conseil souverain, l’évêque et les jésuites ne se partageassent en factions, et ne cabalassent les uns contre les autres ; car les suites ne peuvent être que préjudiciables au service du roi, et au repos public. Après cela ce pays vaudrait la moitié plus que ce qu’il vaut à présent. »
Le père Charlevoix qui nous visita en 1720, a été cité plus d’une fois dans ce livre. Empruntons-lui quelques autres lignes : « Les Canadiens, c’est-à-dire les créoles du Canada, respirent en naissant un air de liberté qui les rend fort agréables dans le commerce de la vie, et nulle part ailleurs on ne parle plus purement notre langue. On ne remarque même ici aucun accent. » Ailleurs, il revient sur le sujet de la formation des villages :
« J’ai déjà observé qu’en défrichant de nouvelles terres, on ne songeait qu’à s’écarter les uns des autres, afin de pouvoir s’étendre davantage, sans considérer que par là on se mettait hors de portée de se secourir mutuellement[1] et qu’en embrassant un pays immense, eu égard au peu de monde dont se composait la colonie, personne ne s’y trouvait à l’abri des insultes de l’ennemi ; mais la cour eut beau donner des ordres pour remédier à un si grand mal, et pour faire réduire les paroisses en bourgades, il ne fut jamais possible de les faire exécuter. Chacun craignait pour le public, et personne ne craignait pour soi en particulier. L’expérience même ne rendait pas plus sages ceux qui avaient été victimes de leur imprudence ; on réparait ses pertes quand on était en état de le faire ; on oubliait bientôt les malheurs qui ne se pouvaient pas réparer, et la vue d’un petit intérêt[2] présent aveuglait tout le monde sur l’avenir. C’est là le vrai génie des sauvages, et il semble qu’on le respire avec l’air de leur pays… On s’étonnait toujours dans le conseil du roi que les habitants de la Nouvelle-France refusassent de changer leurs habitations de place, et de suivre dans leur arrangement un système que l’on croyait la chose du monde la plus facile et d’une nécessité absolue pour leur conservation. Les uns ne voyaient rien de plus important à l’état que de délivrer leur colonie du fâcheux voisinage des Anglais ; les autres, jugeant du Canada par les provinces du royaume, ne pouvaient se persuader qu’il pût se rencontrer un obstacle aux changements qu’ils proposaient… Le parti qu’on a pris a été de bâtir des forts dans chaque
- ↑ C’était à la couronne à protéger les colons. Ceux-ci ne visaient qu’à occuper le sol — par conséquent l’idée de former des villages contrariait leurs projets légitimes.
- ↑ Voir ce que dit Garneau à ce sujet, quatrième édition, I, pp. 172, 144, 276, 287, 293. MM. de Meulles et de Champigny expliquent cette disposition des terres d’une manière favorable aux habitants.