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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

desquels il en envoya deux à l’île Charleston, à dix lieues au large, et garda le sieur Péré au fort. » Les deux, retenus dans l’île, s’échappèrent et, parvenus à Michillimakinac, firent leur rapport à la Durantaye qui en informa le gouverneur-général comme il vient d’être dit. À la suite de cette aventure eut lieu l’expédition du chevalier de Troyes contre la baie d’Hudson (1686) dont formaient partie M. de Catalogne et Robutel de Lanoue. Le sieur Péré, envoyé en Angleterre, revint au Canada (1686) ; au mois de juin 1687, c’est lui qui enleva les Iroquois de Cataracoui dont on fit des forçats sur les galères de Marseille ; en septembre, même année, M. de Denonville le délégua vers le gouverneur Dongan, à Albany, État de New-York. Il y avait alors plus de vingt ans qu’il parcourait la Nouvelle-France en tous sens, pour la découverte des mines et le développement de la traite.

Rien n’est plus propre que les cartes du temps pour nous éclairer sur la marche des connaissances géographiques. Franquelin en a tracé une (1688) dont les renseignements sont précieux. Au lac Buade, situé au nord-ouest du fond du lac Supérieur, elle indique la source de la branche principale du Mississipi, puis une autre rivière (rivière Rouge du Nord, qui traverse le Manitoba) qui se jette dans un lac dit des Assineboels ; de ce dernier lac sort un autre cours d’eau qui tombe dans la baie d’Hudson. Un coup d’œil sur nos cartes modernes montre que tout ceci est exact, sauf que le lac des Assiniboels est le même que le lac Winnipeg. Au nord du lac Nipigon se trouve le fort Latourette. La carte de Louis Jolliet, même année, trace aussi la rivière qui va du lac des Assineboels à la baie d’Hudson.

Le 25 août 1687, M. de Denonville écrivait que le frère de Duluth était revenu récemment du lac des Allenemipignons (Nipigon) ou Sainte-Anne, et qu’il y avait rencontré quinze cents Sauvages réunis pour la traite. Comme il n’était pas pourvu de marchandises en assez grande quantité pour satisfaire tant de chasseurs, ces pauvres gens regrettèrent peut-être d’avoir suivi les conseils des Français en s’écartant des postes anglais de la rivière Bourbon. Ils faisaient un sombre tableau des difficultés de la route, le long de laquelle ils avaient failli mourir de faim. Au delà de leur pays, disaient-ils, il existait une multitude de peuples sans rapports avec les blancs. Plusieurs cartes, dressées de 1690 à 1715, indiquent le lac des Bois, le lac Winnipeg, les rivières Rouge[1] et Nelson, mais les noms manquent, ce qui fait voir que ceux-ci ne furent imposés ou connus que plus tard. Les cartes de Guillaume Delisle (1700-1710) montrent le poste dit des Trois-Rivières et, un peu plus au sud, une rivière appelée des Assiniboils, qui doit être la Kaministiquia ; encore plus au sud-ouest se voit la rivière marquée : des Groselières, laquelle tenait vraisemblablement son nom de Médard Chouart, sieur des Groseilliers ; on la nomme à présent rivière au Pigeon et rivière de l’Arc ; c’est là que se faisait le Grand-Portage[2] pour atteindre le lac la Pluie, lorsque l’on voulait éviter les rapides de la Kaministiquia. D’après les mêmes cartes, le lac Almepigon est entouré de cabanes, nord, est et sud ; le lac des Assénipoils communique, par la rivière de Bourbon, avec la baie

  1. Une carte de 1700 appelle la rivière Rouge « Rivière de la Sablonnière ». — Harrisse : Cartographie, 215.
  2. La Bibliothèque Canadienne de M. Bibaud (1826, p. 37) raconte le fait suivant : « M. P. de Rocheblave, parti du Grand-Portage, sur le lac Supérieur, le 14 août 1820, dans un canot d’écorce, arriva à Montréal le 24 du même mois. Si cette route est, en raison des détours, de six cents lieues, la marche du canot a été de soixante lieues par jour. »