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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

d’Hudson, ce qui est correct puisque ce lac est celui de Winnipeg ; du poste des Trois-Rivières jusqu’au lac, il n’y a pas de chemin de tracé, comme on en voit ailleurs sur les mêmes cartes. À l’ouest du lac est le pays non visité ; il y a l’indication d’un bout de rivière « dont le commencement et la fin ne sont pas connus » ; ce doit être la rivière Rouge, peut-être la rivière des Assiniboines qui, on le sait, tombe dans la Rouge vis-à-vis Saint-Boniface.

À la fin du dix-septième siècle, le champ des découvertes vers l’ouest s’était donc étendu considérablement. Il n’est pas hors de propos de citer ici un fragment du sermon prêché le 6 janvier 1685, devant la cour, par Fénelon, et dans lequel se lit la phrase célèbre : l’homme s’agite, mais Dieu le mène. « Que vois-je depuis deux siècles ? Des régions immenses s’ouvrent tout-à-coup ; un nouveau monde inconnu à l’ancien et plus grand que lui. Gardez-vous bien de croire qu’une si prodigieuse découverte ne soit due qu’à l’audace des hommes. Dieu ne donne aux passions humaines, lors même qu’elles semblent décider de tout, que ce qu’il leur faut pour être les instruments de ses desseins : ainsi l’homme s’agite, mais Dieu le mène. La foi plantée dans l’Amérique, parmi tant d’orage, ne cesse pas d’y porter des fruits. » L’année même où le grand évêque prononçait ces paroles mémorables, naissait La Vérenderie, découvreur et fondateur du nord-ouest canadien.

De 1680 à 1715, les Français et les Canadiens furent nombreux sur les lacs ; c’était le beau temps des coureurs de bois. Qui nous dira jamais les scènes qui s’y déroulèrent et le singulier spectacle que devaient présenter ces rencontres des races de l’Europe avec les peuples du centre de l’Amérique ! Nicolas Perrot et La Hontan nous en fournissent une idée. Guerre des Iroquois, crises du commerce des fourrures, diplomatie des Anglais et des Français, propagande religieuse, passion des découvertes, conflits qui surgissaient entre les peuplades sauvages — tout cela mettait en jeu l’habileté des hommes intrépides, la plupart oubliés aujourd’hui, dont l’Histoire et la Poésie pourraient faire revivre les hauts faits, à l’instar des personnages légendaires que l’imagination des écrivains du vieux monde a tant de fois célébrés.

Le pays des Sioux semblait être, en raison de la facilité de son abord, la porte des régions de la « mer de l’ouest » autrement dit le Pacifique. Au printemps de l’année 1700, d’Iberville étant à la Louisiane, donna ordre à Pierre Le Sueur, son parent, d’aller, avec vingt hommes, fonder un établissement sur le Missouri et prendre possession des mines de cuivre que ce même Le Sueur disait y avoir trouvées dans une précédente exploration partie probablement du Canada. Après avoir passé les chutes Saint-Antoine, être entré dans la rivière Saint-Pierre et fait quarante lieues de route, Le Sueur rencontra la rivière Verte, ainsi appelée parce que les terres mêlées au minerai de cuivre y prennent une couleur verte très visible. Le voyage avait duré de la fin d’avril à la fin de septembre. Au printemps, la mine rendit des échantillons superbes, mais Le Sueur (il a laissé une carte) dut se borner à ces trouvailles, faute de moyens pour commencer une exploitation en règle. Comme les Espagnols et comme La Salle, plusieurs Français se mettaient à la recherche des mines dans l’espérance d’acquérir une prompte fortune.