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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

cette nation demanda du secours à M. de Vaudreuil qui venait de succéder à M. de Callières (décédé le 26 mai 1703) et Jean-Baptiste Hertel de Rouville, lieutenant réformé, reçut ordre de partir avec cent cinquante hommes pour soutenir les sauvages alliés. Hertel avait avec lui quatre de ses frères ; il traversa les Alléghanys à la raquette, tomba, dans la dernière nuit de février (1704) sur la petite ville de Deerfield, la réduisit en cendre, tua tous ceux qui lui opposèrent de la résistance et amena le reste prisonnier. Les Abénaquis, incapables désormais de se maintenir seuls dans leur pays, acceptèrent l’invitation de s’établir à Bécancour et d’y renforcer la bourgade déjà formée par leurs compatriotes.

Un nommé Lagrange, dressé à l’école de d’Iberville, partit de Québec à la tête de cent Canadiens, entra dans le port de Bonnavista, à Terreneuve, coula une petite frégate, brûla deux flûtes, s’empara d’une frégate de vingt-quatre pièces de canon et remit à la voile avant que la garnison du fort n’eût eu le temps de s’opposer à son dessein. Lagrange reçut du roi une commission dans la marine et il continua de se distinguer. Du côté de l’Acadie, les Anglais ne furent pas plus heureux cette année, car la défense de Port-Royal (juillet 1704) par M. de Brouillan leur ôta tout espoir de contenir les corsaires français et d’imposer aux Acadiens une neutralité avantageuse aux deux nations. Sur mer, le chevalier de Meaupou, qui commandait la Seine, rencontra à la fin de l’automne quatre navires de guerre et leur livra bataille, mais après dix heures de lutte il dut se rendre ; Mgr de Saint-Valier, passager sur la Seine, fut amené en Angleterre où il resta huit ans. Peu de jours après la capture de ce bâtiment, Jean-Baptiste Couillard de l’Espinay, lieutenant de l’amirauté, embarqua, à Québec, cent Canadiens, y compris douze officiers, commandés par Berthelot de Beaucour, et les conduisit à Terreneuve où M. de Subercasse se trouva de cette manière à la tête de quatre cent cinquante hommes lesquels, du 15 janvier (1705) jusqu’au printemps, s’emparèrent de tous les postes de l’île. Un seul officier, l’enseigne Deleau, neveu de Subercasse, périt dans cette brillante campagne. Jacques Testard de Montigny, François Picoté de Bellestre, Michel Godefroy de Lintot, Étienne de Villedonné, Gédéon de Catalogne, tous officiers canadiens, s’y distinguèrent, ainsi que M. Pastour de Castebelle, ancien gouverneur de Plaisance.

La première démarche des Anglais du Massachusetts en apprenant ces désastres fut d’envoyer à Québec M. Livingston pour conclure un traité de neutralité entre les colonies relevant des deux couronnes. Le colonel Vetch, en remontant le fleuve, eut le soin de prendre des sondages, mais ce fait ne transpira que l’année suivante, au moment où Louis XIV allait consentir aux arrangements proposés par Vetch et Livingston. On comprit alors à quoi avait servi le séjour dans le Bas-Canada du jeune Dudley et sa suite, et pourquoi, sous prétexte de chasse et de pêche, ils avaient parcouru le pays en tout sens. Charlevoix, qui arriva cette année, raconte que tout le monde comprenait ce manège, excepté M. de Vaudreuil.

La compagnie formée à Québec pour la fondation du Détroit désapprouva certains agissements de Lamothe-Cadillac. Celui-ci descendit à Montréal, en 1704 et fut arrêté.