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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Mississipi, était la plus vaste entreprise de découverte et d’établissement que nous offre l’histoire moderne. Elle a été accomplie, en très peu d’années, avec des ressources insignifiantes, par quelques centaines de Canadiens dévorés de la passion de tout voir, et retenus au loin de leurs foyers par les agréments de la vie nouvelle qu’ils rencontraient sous des climats plus doux. Le fort Saint-Louis des Illinois, à peine créé, devenait le rendez-vous de ces aventuriers. La Hontan y rencontra (1689) une vingtaine de traiteurs qui, pour la plupart, se trouvaient de passage. Vers le même temps, d’autres Canadiens commencèrent des cultures et prirent femmes parmi les sauvagesses. Ces unions, souvent sanctionnées par les missionnaires, ont été l’origine de la race métisse, dans laquelle se sont fondus tant d’émigrés du Canada ; l’influence de la mère sur les enfants et du milieu où grandissaient ceux-ci triomphèrent des traditions et des coutumes paternelles ; on vit surgir, entre le pur sauvage et l’homme civilisé, une caste à part, valant moins que l’Européen mais supérieure à l’élément indigène, en tous cas, alliée des Français et chrétienne plutôt qu’idolâtre. C’est une erreur de croire que les demi-sangs se sont incorporés à la race canadienne : après en être sortis, ils n’y sont pas rentrés. Le métis est resté ce qu’il était au premier jour de la fusion ; ses parents ont continué à absorber les hommes du Canada. Pour maintenir une population semblable à la nôtre dans ces contrées il a fallu des Canadiennes mariées à des Canadiens.

Le père Allouez avait de bonne heure poussé ses travaux jusque chez les Miamis et fait connaissance avec les Illinois, où d’autres religieux avaient fini par s’arrêter. En 1683, écrit Mgr  de Saint-Valier, « de sept jésuites qui était dans cette mission, il y en avait quatre presque hors de combat par leur âge, et, sans le secours de quelques Français, qui par leurs vertus s’étaient donnés à eux pour les servir gratuitement dans les voyages continuels qu’il fallait faire, on n’aurait jamais pu en soutenir la dépense ; il y avait aussi deux frères de la même compagnie qui ne contribuaient pas peu par leurs soins à faire subsister leurs pères. » L’un des missionnaires de ces contrées, le père Julien Binneteau, écrivait en 1699 : « Il y a aussi des femmes mariées à de nos Français qui seraient d’un bon exemple dans les maisons de France les mieux réglées. Quelques-unes de celles qui sont mariées aux Sauvages ont un soin extraordinaire d’entretenir la piété dans les familles : elles exhortent leurs maris à la vertu, leur demandant le soir s’ils ont fait leurs prières ; les portent à fréquenter les sacrements, et pour elles, elles se confessent au moins tous les huit jours et communient souvent. »

La baie des Puants était occupée par une garnison dès 1688 et autour du fort on voyait des établissements canadiens.

Le poste de Michillimakinac, très important au point de vue militaire, était situé sur un sol impropre à la culture, aussi ne fut-il en tous temps qu’un comptoir de traite. Son isolément au milieu des eaux défiait les attaques des Iroquois. En 1688 on y voyait deux villages, l’un outaouais, l’autre huron, séparés par une simple clôture, néanmoins, les Outaouais construisirent cette année un fort sur un côteau voisin parce qu’ils appréhendaient la vengeance des Hurons par suite de l’assassinat de l’un de ces derniers de la main d’un Outaouais. À côté du village huron et dans un enclos de palissades, les jésuites avaient leur chapelle et