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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Le juge de Bonne devenait le chef des Chouayens. Il faut remonter au 14 août 1756 pour expliquer l’origine de cette expression — les Chouayens. C’était le jour de l’attaque des forts d’Oswégo. Les Canadiens voulaient traverser la rivière à la nage ; le général Montcalm croyait la chose impraticable. Rigaud de Vaudreuil enleva les milices et prit le principal fort — mais durant cette manœuvre un certain nombre de soldats français, croyant la journée perdue, avaient déserté aux Anglais. On les qualifia de « chouayens », du nom de Chouaguen ou Oswégo. L’épithète s’appliqua par la suite aux transfuges de notre cause dans la politique, et elle fit fureur au milieu des basses classes. Elle était donc vieille de quarante ans lorsque le juge de Bonne se vit désigné comme le grand Chouayen, c’est à dire le déserteur par excellence et le chef du parti en question. Les faveurs du pouvoir allaient aux Chouayens car l’oligarchie comptait, à l’aide de cette faction, diviser ou amoindrir le parti canadien. Les « bureaucrates », dont nous parlerons vers l’époque de 1837, étaient les continuateurs des chouayens.

La session de 1798 ouverte le 20 février et close le 11 mai, fut peu intéressante. Il y eut des débats au sujet des routes publiques et tout le reste fut paralysé par les nouvelles d’Europe. Aurait-on ou n’aurait-on pas la paix avec la France ? Par le traité de Campo-Formio, le général Bonaparte avait acquis un ascendant extraordinaire en Europe, et l’on pensait que l’Angleterre allait se prêter à la proposition d’une paix universelle qui semblait être devenue l’ordre du jour de la diplomatie. Mais les mois s’écoulèrent ; la chambre se réunit de nouveau, du 28 mars au 3 juin 1799, et flotta indécise, comme l’année précédente. Le 31 juillet, le général Prescott partit pour l’Angleterre. Tous les esprits se reportaient vers cette fin de la guerre de France qui n’arrivait pas.

Nous voici en présence de quelques noms nouveaux dans la politique du Bas-Canada :

Antoine Foucher, né en France (1716) notaire à Montréal, de 1746 à 1799 et décédé en 1801, avait pour fils Louis-Charles Foucher (né en 1760) qui fut admis au barreau en 1784 et prit une part active à la politique de son temps. Des écrivains, comme il y en a plusieurs, ont dit : « M. Foucher devait être un homme de mérite puisqu’il devint solliciteur-général à une époque où l’on ne favorisait aucunement les Canadiens-Français. » Pourquoi ne pas avertir le lecteur que M. Foucher trahissait ses compatriotes ? Il ne refusa pas non plus la charge d’inspecteur des domaines de la couronne. Nommé juge aux Trois-Rivières (1803) il persista à se maintenir dans la chambre d’assemblée et défendit sa propre cause en face du sentiment public qui répugnait à voir des juges et autres fonctionnaires siéger parmi les représentants de la nation. Obligé par le vote populaire de s’en tenir à son rôle de magistrat, il devint juge de la cour du banc du roi (1812) et sut se créer des ennemis qui ne lui firent pas la vie heureuse. Il mourut le 26 décembre 1829.

Alexandre Dumas, originaire de Nègrepelisse, petite ville du Languedoc, était entré dans le commerce à la Rochelle. Il était cousin de John Dumas Saint-Martin qui paraît être venu de France vers la date de la cession du pays. En 1766, Alexandre Dumas était marchand à Québec et avait aussi une maison à Montréal. Au mois de juin 1767 on le trouve