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PAPINEAU ET SON TEMPS

Dès l’année 1776, il eut occasion de manifester ses sentiments de patriotisme. L’armée américaine occupait Montréal et le reste de la contrée jusqu’à Québec. La vieille forteresse était assiégée ; mais, défendue par la milice canadienne, elle tenait bon en attendant des nouvelles d’Angleterre. Il n’y avait pas plus d’un régiment dans tout le Canada. Un navire arriva sur les côtes de Boston en janvier et livra des dépêches qu’un messager secret apporta à Montréal. Pour transmettre ces papiers à Québec, où le général Guy Carleton était enfermé par les troupes américaines, il fallait courir des risques très sérieux, sans compter que l’on n’était nullement certain de réussir. Joseph Papineau s’offrit, avec un compagnon nommé Lamothe, qui a laissé une belle famille parmi nous. Le fils de Lamothe rendit des services signalés durant et après la bataille de Chateauguay en 1813.

Les deux Canadiens se mirent en route à pied, par la rive sud du Saint-Laurent et, de presbytère en presbytère, ils atteignirent la pointe Lévis. L’histoire des tentatives qu’ils firent pour traverser le fleuve sans être vus des sentinelles et des patrouilles américaines fait penser aux ruses des trappeurs de Fenimore Cooper.

Un jour, ils mirent leurs chemises blanches par-dessus leurs habits et se couvrirent la tête de tuques blanches ; dans cet accoutrement ils marchaient à quatre pattes, se cachant le plus possible derrière les blocs de glace qui formaient çà et là des ondulations sur la traverse du fleuve. Rendus près de la ville, les sentinelles canadiennes les prirent pour des ours blancs ou quelque chose de ce genre et voulurent leur envoyer