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PAPINEAU ET SON TEMPS

La résistance des deux Papineau contre le genre de gouvernement imposé au pays n’avait aucune couleur ou rapport avec la pensée d’une révolution. Ils voulaient des réformes et ne les demandaient pas toutes à la fois, de crainte de bouleverser les affaires.[1] On ne les vit jamais prêcher en démagogues, qui affectent de soutenir les intérêts du peuple et se rendent favorables à la cause populaire afin de gagner sa faveur et de le dominer. Ils n’exagéraient rien, ne sortaient pas de la vérité ; aussi étaient-ils irréfutables.

La chambre d’assemblée comptait à cette époque des talents de premier ordre et, bien que le Mercury, de Québec, et les cercles officiels affectassent un grand mépris pour ces « habitants illettrés », le gouvernement anglais savait très bien que ces prétendus ignorants étaient, le plus souvent, des hommes d’une grande valeur, d’une parfaite dignité de manières et d’un patriotisme à toute épreuve, et que leurs chefs, loin d’être des démagogues, auraient été dignes de s’asseoir sur les bancs de la chambre des Communes.[2] Citons quelques-uns de ces députés remarquables.

Louis Bourdages révéla un talent d’orateur de première force. Pierre-Dominique Debartzch surprit la chambre par l’expression mesurée d’une indépendance de caractère qu’il soutint toute sa vie. Denis-Benjamin Viger posa aux partisans du gouverneur des questions savantes autant qu’habiles. J.-T. Taschereau s’éleva comme un homme d’honneur contre les pratiques abu-

  1. En 1834, en présentant les Quatre-vingt-douze Résolutions, on oublia ce bon principe : tout fut rejeté en bloc.
  2. Les chefs du parti canadien étaient en effet tous des hommes de bonne compagnie et d’étude, aussi les gouverneurs les considéraient personnellement et les traitaient avec une grande courtoisie.