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PAPINEAU ET SON TEMPS

Les Quatre-vingt-douze Résolutions ne contenaient rien de nouveau. C’est la reprise des anciens griefs, exprimés dans une rédaction étirée, pâteuse, sans allure. L’enquête de 1828 vaut cent fois davantage. Néanmoins, ces résolutions étant présentées à l’assemblée législative de Québec, notre peuple y attacha son attention par-dessus tout, et les débats qui s’ensuivirent le passionnèrent comme l’eût fait un discours de Papineau.

Car la parole de Papineau enlevait les imaginations, et c’est même ce qu’il ne calculait pas assez de 1834 à 1837. Le sentiment populaire se nourrissait de sa verve et de ses terribles coups de langue, mais l’orateur se contenait parfaitement et croyait que le peuple pensait avec le même sang-froid et la même modération que lui. Il déchaînait des forces qu’il savait exister et qu’il croyait pouvoir contenir. Illusion qu’avait eue Mirabeau, illusion de presque tous les agitateurs. Je ne sais quel sens vous donnez au mot agitateur, mais n’oublions pas que, sous un gouvernement constitutionnel, ce genre de politique est nécessaire, tandis qu’il constitue un embarras public sous la monarchie absolue.

Papineau a vécu de 1786 à 1871 ; il s’est occupé de politique de 1808 à 1837, et de 1847 à 1855 ; l’époque où il agit en chef va de 1817 à 1837 ; deux dates sont mémorables et le montrent à l’apogée du prestige : 1823 et 1834, c’est-à-dire deux crises où l’agitateur fournit la mesure de ses ressources oratoires et impressionna toute l’Amérique du Nord. Dans un cas comme dans l’autre, le ministère britannique fit la sourde oreille parce qu’il était pénétré de ce vieux préjugé