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PAPINEAU ET SON TEMPS

européen : « Il faut conserver les colonies en tutelle et les exploiter pour le seul avantage de la mère-patrie. »

La destinée de Papineau n’était pas de réussir à nous faire accorder les réformes dont se composait son programme, mais il était venu au monde pour faire l’éducation politique des Canadiens. Sa carrière, répétons-le, commence à cet égard en 1817 et finit en 1837. Après les troubles et son exil,[1] il n’avait plus de rôle à jouer, car il repoussa l’acte d’union des Canadas de 1841, qui nous était imposé, et ne songea pas à l’utiliser dans un sens pratique comme le comprit LaFontaine. En un mot, il n’avait qu’une idée, qu’un désir, c’était de nous procurer une constitution parfaite, un rêve trop beau pour ce bas monde.

Alors, direz-vous, il n’avait qu’une note dans la voix et ne pouvait faire qu’un seul discours constamment le même ? C’était à peu près cela, en effet ; mais, quel virtuose ! Il avait trouvé un thème d’une grande justesse et de plus approprié à l’entendement populaire ; son but était de le développer et d’en tirer tous les accents, les accords, les sentiments qu’il pouvait produire, et il y parvint en maître, électrisant à tout coup son auditoire. Paganini avait ramassé à Venise un air dont personne ne s’occupait ; il le couvrit d’une de ses interprétations comme il savait les imaginer, l’enroula dans des variations fantaisistes, le fit

  1. En 1837, Papineau passa sa dernière nuit sur le sol canadien dans la maison du capitaine Luc Fortin, de Saint-Georges d’Henryville, comté d’Iberville, d’après une lettre reçue de Georges-E. Fortin, Minneapolis, É.-U., son petit-fils. On dit que la tête de Fortin fut mise à prix pour sa conduite en cette circonstance. Voir Saint-Georges d’Henryville, par Fr. J.-D. Brosseau, o.p., p. 130, 131.