Page:Sulte - Mélanges historiques vol. 13, 1925.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
33
PAPINEAU ET SON TEMPS

soupirer, rire, chanter, lui imprima des allures contraires les unes aux autres tout en étant charmantes, et le Carnaval de Venise fit l’admiration des artistes comme celle de la foule. C’est absolument le cas de Papineau.

Durant les années 1838-1845, le proscrit vécut presque constamment dans la capitale de la France et y rencontra des personnages instruits qui durent le faire parler. Savons-nous quelque chose de la tournure de ces causeries ? Je crois que non. Étant donné la manière d’envisager les colonies qui règne en Europe, je me persuade que les Français s’étonnèrent tout d’abord en apprenant que l’Angleterre avait concédé depuis longtemps une chambre élective et d’autres faveurs au Canada. Leur surprise devait être plus grande en entendant Papineau exposer son programme de réformes, et je ne suis pas loin de croire qu’ils se dirent à mi-voix : « Voilà un homme que nous n’endurerions pas dans nos colonies ! » Celui d’entre nous qui se trouverait à présent dans la situation du patriote de 1837, ne serait pas mieux compris en France.

Il est dans notre destinée de nous tirer d’affaire par nous-mêmes. C’est perdre notre temps que de vouloir acquérir les sympathies des étrangers. L’adresse avec laquelle nos hommes d’État ont mis en pratique l’acte d’union inévitable de 1841, et la Confédération de 1867, également inévitable, prouve que nous avons des ressources suffisantes pour nous maintenir sous n’importe quel régime ; et comme, après tout, il n’y a pas de bon régime en ce monde, il ne faut pas avoir peur de la lutte. Les petits peuples qui sont forts doivent leur courage au danger. Les peuples nombreux ne peuvent pas tous en dire autant.