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PAPINEAU ET SON TEMPS

Rien d’étonnant donc que, au lieu de rester, comme les colons français et espagnols, de simples machines inconscientes aux ordres de quelques familles privilégiées, ils aient fait eux-mêmes, par leur initiative et leurs actions, l’histoire de leur propre pays.

La population du Bas-Canada, plus nombreuse à elle seule que celle des trois autres provinces, fut l’inspiratrice des réformes demandées. Elle voulait la représentation nationale dans une chambre élue par le vote populaire ; la responsabilité des ministres soumis à cette chambre ; le contrôle des finances, du patronage, le vote du budget (liste civile comprise) item par item ; le droit de régler le tarif des douanes ; la poste canadienne, non impériale ; les terres de la couronne ; l’exclusion des juges et des fonctionnaires publics du conseil législatif et de l’assemblée législative ;[1] la reconnaissance de l’évêque par le gouvernement ; la nomination d’un agent du Canada à Londres ; etc. De 1774 à 1850, la lutte fut sans trêve, la cause canadienne gagnant sans cesse quelques points qui finirent par former un total merveilleux : l’indépendance politique, alors que les colonies espagnoles et françaises restaient dans les langes du XVIIe siècle et que la plupart des colonies anglaises n’avaient encore remué ni un œil ni un doigt pour se constituer en « self-government ».

C’est aux Anglais qu’est due la première idée d’un gouvernement représentatif dans la colonie : ils la tenaient de leurs pères et l’avaient apportée ici avec eux, tout naturellement. Les Canadiens, pour qui cela était nouveau, redoutaient de la voir appliquée, à cause de l’influence qu’un tel genre d’administration pouvait

  1. Les juges élus membres de l’Assemblée législative doivent choisir entre leur commission du roi et leur mandat populaire.