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PAPINEAU ET SON TEMPS

fournir à la population anglaise, déjà exercée à se servir de l’instrument en question. Les quinze premières années qui suivirent la conquête constituent une période d’attente et de tâtonnements durant laquelle chacun regardait son voisin avec défiance. Il y eut des mouvements politiques destinés à prouver à l’Angleterre que personne n’était satisfait du régime existant : les Anglais parce qu’ils désiraient réduire plus vite les Canadiens, et les Canadiens parce qu’ils ne voyaient qu’une liberté dérisoire dans le mode de gouvernement qu’on leur appliquait.

En 1774, par l’Acte de Québec adopté au parlement de Londres, on nous donna à peu près tout ce que nous désirions. Il était temps, car les colonies anglaises renonçaient à leur ancienne loyauté et cherchaient le chemin de l’indépendance. Dès que les Yankees se révoltaient, l’Angleterre devait, dans son propre intérêt, se rapprocher de nous. Il fallait voir si les trafiquants du Canada étaient furieux en voyant cette conduite du cabinet anglais ! Tout naturellement ces braves gens se figuraient que le Canada leur appartenait.

Un conseil, composé d’Anglais et de Canadiens, était autorisé par l’Acte de Québec. Les Canadiens passaient aux yeux du peuple anglais pour une race ignorante et crétinisée ; on se montra inquiet de voir qu’il leur serait donné place au conseil et qu’ils auraient l’usage des libertés nouvelles. À cette crainte chimérique autant que malveillante, le général Guy Carleton, qui nous avait gouvernés de 1766 à 1770, répondit par la déclaration suivante devant la chambre des Communes anglaises en 1774 : « Les protestants du Bas-Canada sont au nombre de trois cent soixante, et aucun