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Page:Sulte - Mélanges historiques vol. 13, 1925.djvu/46

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PAPINEAU ET SON TEMPS

D’où vient cette haine, ce sentiment sauvage qui reparaît si souvent sous la plume de nos écrivains et dans la bouche de nos orateurs ? Je la fais remonter à 1807, car avant cette date néfaste, elle n’existait pas.

Sir James Craig, en débarquant à Québec l’automne de 1807, souleva de suite la colère des Canadiens en déclarant que le parti anglais allait triompher. Or, en créant l’expression du parti anglais, il entendait parler des fonctionnaires publics, tous venus d’Angleterre, tous liés ensemble contre les gens du pays et formant une sorte de pacte de famille que le ministère de Londres appuyait, faute de rien comprendre à nos affaires.[1]

Lorsque ce gouverneur repartit, l’été de 1811, pour aller mourir de chagrin en Angleterre, accablé par la disgrâce et banni des Canadiens, il laissait derrière lui un parti canadien formidable qui ne cessa plus de combattre l’oligarchie en question.

Voilà bien longtemps de cela. Les bureaucrates n’existent plus. Leur école est morte et enterrée. La masse des Anglais n’avait point d’attache avec ces favoris du ministère de Londres, et cependant nous fulminons contre les Anglais, par habitude, et nous nous causons des embarras, mais chacun s’imagine que c’est là du patriotisme ! Ceux des Anglais qui nous dédaignent sont comme les Américains : ils ne nous connaissent point. Ils voient, avec raison, peut-

  1. Cette oligarchie administrative, dans laquelle entraient les hommes du commerce, menait en réalité toutes les affaires et jouissait du patronage sur toute la ligue. On l’appelait le parti anglais. Jusqu’à 1805, toutefois, ce terme ne signifiait pas grand’chose. Lorsque le Canadien parut, en 1806, on prit l’habitude de mentionner le parti canadien par opposition au parti anglais. Il y avait parmi les Canadiens des Anglais qui n’épousaient pas les vues du family compact.