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Page:Sulte - Mélanges historiques vol. 13, 1925.djvu/80

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PAPINEAU ET SON TEMPS

Canadiens, et certes, personne ne s’est jamais moqué de cette gloire populaire qui resta sans tache, car la vie privé du tribun fut un modèle de la plus pure sagesse.

Dans ses lettres comme dans ses discours, il avait la manière du XVIIIe siècle : la longue période. Presque toutes ses phrases se divisaient en quatre ou cinq membres séparés par le point-virgule. On accorde de nos jours trois membres, et encore plusieurs disent que c’est trop long. Pas plus que ses contemporains il n’échappa à l’emphase qui régna si fort en France de 1750 à 1850 et marque cet espace d’un siècle d’une façon toute particulière dans l’histoire de notre langue. Son vocabulaire était celui des orateurs, car il y a des expressions qui sonnent bien dans la bouche et doivent leur valeur à la prononciation, tandis qu’il en est d’autres, très expressives sur le papier, qui ont moins bonne mine sur nos lèvres.

Il avait par nature la faculté de la parole et la cultivait avec un soin constant ; c’est dire qu’il possédait l’art de construire la phrase et surtout de penser avant que de parler. Nous avons peu d’hommes qui se donnent la peine de travailler pour maîtriser la langue écrite ; nous en avons encore moins qui apprennent à parler selon l’art, soit devant un auditoire, soit dans un salon. Papineau excellait en ces deux derniers genres ; mais quand il prenait la plume, on ne le retrouvait pas à la même hauteur ; pourtant il écrivait fort bien en tant qu’il s’agit de faire comprendre les idées que l’on émet. Le style de l’écrivain lui manquait. Il était maître du style de l’orateur qui utilise la voix, le geste, la circonstance du lieu, à part le fond de la pensée, tandis que l’écrivain n’a à sa disposition que des mots tracés en noir