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Page:Sulte - Mélanges historiques vol. 13, 1925.djvu/82

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PAPINEAU ET SON TEMPS

le titulaire de cette charge. Toujours il a refusé d’acheter des actions de banques, par crainte d’engager sa liberté individuelle et de gêner par là l’expression de ses idées ; ses adversaires en ont pris sujet pour dire qu’il était l’ennemi du commerce. En toute occasion il tonnait contre le monopole et dénonçait les mesures susceptibles de placer dans la main d’un petit nombre d’individus des moyens dangereux. L’égoïsme des financiers le révoltait. En fait de courage on ne saurait aller trop loin sur la voie de l’éloge, sa longue carrière politique atteste qu’il était doué d’une fermeté hors ligne, et les lettres menaçantes qu’il reçut à tout propos eussent ébranlé un caractère moins bien trempé que ne l’était celui de cet intrépide champion des droits du peuple. Il continuait sa marche avec calme en méprisant les intimidateurs. Au commencement de 1836, lord Gosford l’envoya chercher avec mystère et lui déclara qu’une conspiration était tramée contre leur existence à tous deux.[1] Il ajoutait : « Ne sortez jamais seul ou sans être armé… toute cette agitation disparaîtrait pourtant si la chambre votait les subsides… » On voit le fond de la pensée du gouverneur. Papineau sourit et se retira.

Il allait à Ottawa, chaque été, et visitait la bourgade devenue ville, passée ensuite au rang de capitale, lui qui en avait vu construire les premières maisonnettes. Sa haute stature frappait les passants. Du reste, il n’avait pas l’air d’un homme « quelconque ».

  1. Six semaines auparavant, lord Gosford avait invité Louis-Joseph Papineau et Denis-Benjamin Viger à dîner ; il visita les classes du Séminaire de Québec et, le soir, il donna un grand bal, jour de la Sainte-Catherine qui est une occasion de fête annuelle dans la province ; il laissa tout le monde enchanté de sa politesse.