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Page:Sulte - Mélanges historiques vol. 13, 1925.djvu/83

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PAPINEAU ET SON TEMPS

Son aspect impressionnait au premier regard. Un jour, j’entendis quelques personnes demander qui il était. On répondit : « Papineau », et l’un des témoins de cette petite scène s’écria naïvement : « Tu m’aurais dit que c’était Joseph Montferrand, je l’aurais cru ! »

Le 17 décembre 1867, alors qu’il avait quatre-vingt-un ans, il prononça à l’Institut Canadien de Montréal un long discours résumant ses idées sur la politique du Canada. Je n’y vois pas le sens pratique dont sa longue expérience pouvait profiter. Il est trop 1837, ne tenant pas compte de ce qui avait eu lieu depuis trente ans.

Nul plus que lui ne savait que notre élément est en quelque sorte un îlot au milieu d’une mer d’influences étrangères, et par conséquent qu’il nous est impossible d’agir en maîtres. La conquête de 1760 pèse toujours sur les Canadiens-français ; c’est même une espèce de miracle que nous subsistions encore. Dans ces conditions, il n’y a qu’une politique : voir venir les événements, les ajuster à nos besoins ; être les plus habiles, ne pouvant déployer de grandes forces.

Papineau ne voyait pas les choses de cette façon et se croyait au temps de 1810, où notre groupe, dans une province isolée, avait chance de se débattre ; mais, depuis soixante, quatre-vingts ans, nous sommes entourés, englobés, forcés de faire corps avec des masses qui s’agitent, et notre existence est bien autrement difficile qu’au début du siècle dernier. Qu’importe, l’esprit de combat de Papineau a mis dans notre peuple un sentiment de vaillance qui est inappréciable et qui promet de ne jamais s’éteindre. S’il n’a fait que cela, c’est assez pour sa gloire, c’est un bonheur pour nous.