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Page:Sulte - Mélanges historiques vol. 13, 1925.djvu/86

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PAPINEAU ET SON TEMPS

d’après mes instructions et je lui refusais malgré moi nombre de choses importantes pour la colonie. La dernière fois que nous nous sommes vus, c’était l’automne de 1837 et, au cours d’une longue conversation, j’insistai pour qu’il n’allât pas à Montréal où il y avait de l’effervescence. Je le priai de rester à Québec. Il partit, cependant, disant que sa présence calmerait les esprits, mais je lui affirmai que le soulèvement se produirait dès qu’il serait au milieu de ses partisans enfiévrés. Je n’avais que trop raison ».

Ses manières affables, son geste engageant, sa conversation polie et admirablement soutenue, presque toujours enjouée, faisaient de Papineau l’idole de son entourage. Lorsqu’il parla en chambre pour la première fois, il étonna l’assemblée, fut comblé de témoignages d’admiration et lui, le nouveau membre, se trouva aussitôt au rang des vieux lutteurs. Comédien à la façon de tous les orateurs, il s’animait en parlant et jouait les sentiments que sa langue exprimait. Il réglait l’enthousiasme des foules comme un morceau de musique. Son tempérament était sanguin et bilieux. Chez lui, le cœur était le premier organe qui agissait sous le coup d’une pensée ou d’une surprise, et le sang bouillonnait visiblement. Cela rendait sa parole chaude, sympathique, humaine ; il était tout en dehors et captivait les gens à sentiment. Se voyant écouté, il allait avec l’entrain du coursier généreux qui aperçoit devant lui une longue carrière. L’agencement des faits qu’il exposait à l’auditoire prenait des formes poétiques ; il en appelait à l’histoire, au dire des grands hommes, citait des vers, mesurait ses phrases avec une justesse de rhétoricien et charmait par la continuité d’une diction lyrique très propre à étonner le