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protestant, on ne devait le vaincre qu’à l’aide d’un miracle ? Voilà qui rend presque probable l’hypothèse d’un héros populaire et ancien que les Espagnols ont voulu éclipser par l’image de S. Maurand. Au reste, la date de 1494, assignée à la première apparition du géant dans les fêtes, prouve qu’il est antérieur au miracle.

Il est vrai qu’on a dit longtemps que Charles-Quint, « pour amener tous ses sujets à fraterniser entre eux, et neutraliser l’humeur inquiète des Flamands, institua comme en Espagne des fêtes publiques, dans lesquelles il introduisit de hautes poupées, semblables à notre géant. » M. Quenson doute de cette assertion, d’après le grand nombre d’édits de Charles-Quint contre « le nombre, le luxe et la débauche de ces fêtes. » Le savant conseiller dit que la tolérance est le seul fait que l’on puisse accepter.

D’après ces assertions, nous oserons dire plus : nous dirons que, remarquant l’esprit d’opposition que tous les peuples subjugués font à leurs dominateurs, nous croyons que ce fut un trait lancé sur Charles-Quint, ou du moins sur les Espagnols, de représenter dans leurs fêtes quelque Douaisien plus grand, plus fort, et peut-être plus brave qu’eux.

C’est donc notre opinion tout entière que nous avons exprimée dans ces vers :

Que dis-je ? À leur amour, pour donner un symbole,
Imitant avec art la coutume espagnole,
Ils firent un héros-géant, grand mannequin,
Sorte de trait plaisant lancé sur Charles-Quint
Qui, petit et rusé, très-dévot, mais peu brave,
Par droit d’hérédité tenait la Flandre esclave.

Ceci posé, que le héros qu’ils ont représenté soit histo-