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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/194

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Pour attirer la végétation sur les berges, on les couperait par de petits canaux d’arrosage dérivés du torrent ; ils imprégneraient ces terres déchirées et toujours arides d’une humidité fécondante ; ils briseraient aussi la pente des talus, et serviraient à les rendre plus stables. Bientôt on les verrait disparaître sous des touffes de plantes variées, attirées au jour par la présence de l’eau. — Ces canaux, prolongés ensuite jusqu’au sommet des berges, pénétreraient de là dans les zones de défense, dont ils fertiliseraient le sol. — C’est dans le voisinage des eaux, c’est dans la possibilité d’ouvrir partout et de multiplier presque indéfiniment les canaux d’irrigation, que repose en réalité tout l’avenir de l’opération.

Enfin, je passe à la quatrième phase qui est aussi la dernière. — Pendant que toutes ces plantations retiendront les terrains au milieu desquels s’écoule le torrent, on empêchera les affouillements en construisant ces murs de chute dont j’ai parlé au chapitre 10. On emprunterait de cette manière aux systèmes actuels de défense ce qu’ils ont réellement de plus efficace ; mais combien, en faisant cet emprunt, on aurait amélioré les circonstances au milieu desquelles on va le mettre en œuvre !

En effet, on trouverait dans les plantations et partout où il paraîtrait convenable d’établir ces ouvrages, les meilleurs matériaux de leur construction. Les jeunes arbres donneraient des pieux ; les produits de l’élagage et les buissons fourniraient des fascines. On construirait alors ces barrages en fascinages, ou ces palissades clayonnées recommandées par Fabre. Ces ouvrages coûteraient peu de main-d’œuvre ; les matériaux ne coûteraient absolument rien ; ils seraient donc économiques ; ils n’offriraient pas non plus les dangers qui accompagnent les murs en maçonnerie (chapitre 17). — On pourrait donc les multiplier partout, sans aucun inconvénient, et presque sans dépense.

Ces barrages seraient comme le complément des travaux d’extinction. Ils serviraient à défendre certaines berges jusqu’au moment où la végétation les aurait revêtues sur toute leur hauteur, et jusqu’à ce que le torrent lui-même aurait perdu la plus grande partie de sa violence. On s’en servirait aussi pour barrer les ravins secondaires, pour intercepter les petites ramifications, pour combler les petites flaches ; enfin, pour amener à la surface du sol et effacer complètement ces filets innombrables, divisés comme les fibres chevelues d’une racine, et qui sont bien réellement la racine du mal.