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À SUSE.

chevaux les champs d’orge de nos Loris. Kérim Khan a crié son ban de guerre et placé les troupes sous les ordres de son fils Mohammed. L’ouverture des hostilités s’est faite avec grand fracas ; sur les cent bouches de la Renommée, quatre-vingt-dix-neuf sont occupées à publier dans le désert les hauts faits des belligérants : escarmouches d’avant-postes, combat de cavalerie, blessure du fils d’Ali Khan, triomphe de Mohammed, mais retraite précipitée des gens de Kérim Khan, inférieurs en nombre à leurs adversaires, et transport du campement dans le voisinage des tumulus.

J’échangerais volontiers quelques années du mirza contre le droit d’éloigner les Loris.

D’abord s’est présenté le héros du jour, Mohammed Khan, une vieille connaissance. Lors de notre premier voyage, il avait joint ses index et s’était déclaré mon frère. Depuis notre retour, ce cher parent n’a jamais manqué de demander avec la plus délicate insistance les objets qui excitaient son envie : un fusil, une montre, une lorgnette. Il s’agit bien de pichkiach aujourd’hui ! « Les Segvends ne se tiendront pas pour battus. Les blés et les buffles de Kérim Khan vont acquitter le prix du sang. » Un aussi beau discours comportait une conclusion : Mohammed nous invite à prendre la défense de sa tribu.

« Cheikh Ali est ton légitime protecteur ; il t’enverra trois cents cavaliers.

Tchizi nist (cela n’est rien) auprès de la terreur qu’inspirerait la vue de vos quatre chapeaux blancs. À des toufangtchis de votre valeur, ces fils de chiens montreraient la queue et non le poitrail de leurs chevaux. »

La partie serait tentante ; mais le gouverneur prétexterait cette escapade pour nous faire expulser manu ferrachi. J’ai vainement égrené des perles ; rhétorique et logique s’émoussent contre l’obstination de Mohammed. Le fils de Kérim Khan ne veut pas comprendre que des étrangers s’interdisent, sous peine de manquer gravement aux lois internationales, de jeter dans des querelles intestines leurs armes et leurs casques blancs. Il s’est retiré fort piqué. « Vaut-il la peine d’être votre frère si vous me traitez comme le dernier des Dizfoulis ! »

Sur le soir, quelques nomades faisaient l’ascension du tumulus et envahissaient les abords de ma tente. Escortée de compagnes sales, vieilles, ridées, marchait une femme proprement vêtue. La tribu de Kérim Khan est divisée en deux groupes d’importance inégale ; la plus nombreuse est directement placée sous les ordres du chef ; la seconde obéit à son frère Papi. C’est la femme de Papi Khan qui s’avance accompagnée de son état-major.

On l’introduit ; elle se dévoile dès que la porte est close et s’accroupit vis-à-vis de moi.

Tout à l’aise je puis considérer le costume mi-parti arabe et persan de la visiteuse. La tête est couverte d’une calotte de cachemire reposant sur de légers foulards