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À SUSE.

sources étrangères. Peut-être devions-nous cette torpeur morale à un état de santé fort précaire.

Six mois plus tard, je songeais aux naïades de l’Iran : le souvenir de Suse hantait les nuits de mon mari. Il reconstruisait par la pensée ces palais des Achéménides, où la Grèce, l’Égypte et l’Asie occidentale avaient apporté leurs hommages et leurs trésors ; devant lui s’assemblait cette innombrable armée de Xerxès, partant de Suse pour les rivages d’Ionie ; il entendait les lamentations d’Atossa au récit du désastre de Salamine et le péan glorieux entonné par les Grecs sur les décombres fumants de Persépolis.

Marcel s’ouvrit à M. de Ronchaud, l’éminent directeur des Musées nationaux ; il lui parla de nos impressions en face du Memnonium, de l’incontestable antiquité des tumulus susiens, de l’intérêt des fouilles à pratiquer dans cet Élam si lointain. De ces entretiens naquit le projet le plus révolutionnaire que l’on pût diriger contre notre désir de vivre les pieds sur les chenets : mon mari acceptait une somme de trente et un mille francs provenant d’un reliquat de crédit affecté aux musées, et s’engageait à commencer les fouilles de Suse avec ce modeste viatique.

La sagesse des nations triomphait : fontaines de Perse, j’allais encore boire de vos eaux !

Sur la demande de M. Charmes, le ministère de l’Instruction publique ajouta un supplément de dix mille francs à ces premiers fonds ; la Guerre prêta tentes, armes et harnachements ; la Marine offrit de transporter le personnel à Aden ; deux jeunes gens, sortis, l’un de l’École des Ponts et Chaussées, l’autre de l’École Normale, furent choisis par leurs directeurs respectifs et placés sous les ordres de mon mari.

M. de Ronchaud se préoccupa ensuite de l’obtention des firmans : la mission eût couru à un insuccès certain, si elle n’eût été nantie d’un ordre royal.

L’autorisation, sollicitée par voie diplomatique, fut refusée en termes nets et concis. Le télégraphe nous apporta cette mauvaise nouvelle ; un mois ne s’était pas écoulé depuis qu’on avait demandé les firmans. Et l’on se plaint des atermoiements et des tergiversations de la diplomatie orientale !

Une pareille réponse était trop prompte pour paraître définitive. Il s’agissait de mieux orienter nos voiles.

Marcel était demeuré dans des termes affectueux avec le docteur Tholozan, médecin et ami de Nasr ed-Din chah. Pendant la durée de notre premier voyage, nous avions dû à ses recommandations de pénétrer dans les mosquées les mieux closes ; souvent même notre sécurité avait dépendu de ses soins. Ce fut à lui que nous eûmes recours.

Pendant que notre ministre engageait de nouvelles négociations avec le gouvernement persan, le docteur Tholozan s’adressait directement au chah. Il intéressa le roi