Page:Susejournaldes00dieu.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3
DÉPART.

à des travaux qui devaient mettre en lumière l’histoire glorieuse de ses antiques prédécesseurs ; il lui parla de l’admiration de l’Europe pour le caractère d’un prince jaloux de favoriser les efforts du monde savant. Si Nasr ed-Din chah ne tolère pas volontiers la contradiction, il est accessible néanmoins à des considérations d’un ordre élevé. On ne fait jamais un vain appel à ses sentiments généreux. Nous en eûmes bientôt la preuve.

Le gouvernement persan présenta quelques observations relatives aux tribus pillardes de l’Arabistan, formula des craintes au sujet du fanatisme local, fit des réserves concernant le tombeau de Daniel, exigea le partage des objets découverts, réclama l’entière propriété des métaux précieux, et nous accorda l’autorisation de fouiller les tumulus élamites.

Une dépêche parvenue dans les derniers jours de novembre 1884 faisait pressentir cette heureuse solution. Le général Nazare-Aga, qui s’était entremis avec bienveillance dans cette négociation, confirma bientôt ce premier télégramme.

Le temps pressait. Comme les firmans ne pouvaient être reçus avant deux mois, il fut convenu que ces pièces seraient expédiées sur le port de Bouchyr, où nous devions stationner quelques jours. La durée de notre voyage laissait aux scribes royaux le loisir de méditer les termes du contrat.

Autant j’avais affronté avec calme les hasards d’une première expédition en Perse, alors que nous engagions santé et fortune personnelle, autant j’étais inquiète : je ne redoutais ni les fatigues ni les dangers, mais je tremblais à la pensée d’un échec.

En quittant Paris, j’étais dans un tel état de surexcitation nerveuse, que j’accumulai maladresses sur sottises. Je m’empressai d’égarer mon billet, puis les clefs de nos malles. À Toulon, je dus charger un serrurier d’ouvrir le sac qui contenait les ordres de départ. Je laisse à penser quelle impression cette première partie du voyage fit sur nos jeunes camarades.

Deux jours furent consacrés à recueillir la poudre, les munitions, les armes de guerre et une paire de chaouchs expédiés d’Alger à notre adresse. Faute de spahis, refusés au dernier moment par l’autorité militaire, mon mari s’était enquis de serviteurs honnêtes, dont la religion ne fût pas un sujet de trouble en pays musulman. Pour répondre aux intentions de Marcel, le gouverneur de l’Algérie avait enrôlé, à un prix excessif — la moitié du traitement de nos jeunes collaborateurs — une sorte de scribe et un agent de police révoqué, tous deux anciens turcos.

Le 17 décembre, la mission montait à bord d’un grand transport bondé de matériel et de munitions destinés à l’escadre de l’amiral Courbet. Trois bataillons d’infanterie de marine, une trentaine de médecins ou pharmaciens, un lot de sages-femmes compo-