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CONSTRUCTION D’UNE MAISON.

visible que la nuit : la clarté de la flamme ne saurait lutter avec celle du soleil.

24 avril. — Depuis que nous avons appris le patois susien, la mission n’a pas de plus chaud ami que le motevelli Màchtè Popi.

Il y a quelques jours, Marcel lui fit part d’un projet qui nous tient singulièrement au cœur.

Ousta Hassan est un habile maçon : les briques cuites extraites des substructions arabes s’accumulent sur le tumulus ; les buissons ne manquent pas dans la jungle : il serait donc possible de construire une maison. Nous y trouverions, pour la campagne prochaine, un abri sain contre les pluies et la chaleur, une retraite sûre contre les nomades, partant une tranquillité d’esprit et de corps que la tente ne saurait offrir.

« Mohammed Taher est l’administrateur des vakfs de Daniel, répondit le vieux Popi ; lui seul peut vous autoriser à bâtir une maison. Pour ma part, j’approuve votre projet. Chaque nuit je monte sur la terrasse de l’imam-zadé afin de m’assurer que le camp farangui n’a pas été pillé. Si vous rendiez à Mohammed, — que la bénédiction d’Allah soit sur lui ! — la moitié de la vénération que nous professons pour Aïssa (Jésus), je ne vous aurais jamais permis de camper loin de tout secours. Que peut-on reprocher à des gens qui ne mangent pas de porc, vivent d’une nourriture semblable à la nôtre et ne boivent ni vin ni arac ? Vous obtiendrez certainement l’autorisation que vous sollicitez. Daniel ne protestera pas ; je me charge d’arranger cette affaire avec lui. D’ailleurs je veux écrire au Chah de France.

— Que souhaites-tu ?

— Un lustre pour éclairer le tombeau pendant le pèlerinage.

— Prépare ta requête ; elle sera bien accueillie. »

Le soir même de cet entretien, Ousta Hassan prenait la route de Dizfoul. Deux jours plus tard, il revenait avec ses baquets, sa truelle et une lettre qui autorise le chef de la mission à construire une maison sur les terres de Daniel. Faute de Français, cette habitation deviendra la propriété usufructuaire du cheikh ou des personnes qu’il lui plaira de désigner.

Le chef-d’œuvre, piqueté sur-le-champ, s’élève déjà au-dessus de terre.

Le château susien est rectangulaire, long de dix mètres, large de huit et divisé en deux corps de logis longitudinaux par un mur de refend qui doit porter les bois très courts de la toiture. Les façades seront percées de deux portes et de quatre fenêtres. Une épaisse terrasse couvrira l’édifice et l’abritera également de la pluie et du soleil. Les détails de l’élévation sont abandonnés à l’imagination vagabonde d’Ousta Hassan.

Plus que jamais nous apprécions, en expectative, les mérites d’une maison bâtie. La température fait des bonds de géant. Dès sept heures du matin, le soleil