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MESSAGE DE MOZAFFER EL MOLK.

— Ne crains rien : une lettre te mettra sous la protection de la France, dont tu t’es montré l’ami. Connais-tu un nadjar bachy (menuisier en chef) ?

— Certainement : Kerbelaï Mohammed.

— Va lui commander cinquante caisses ; quand elles seront prêtes, nous emballerons les briques que nous avons trouvées.

— Y pensez-vous, Saheb ? Acheter des caisses, louer des mulets, emporter ces vieux matériaux !…

— Je partage ton avis : c’est fou. Mais, quand je rentrerai à Paris, on me demandera compte de l’argent dépensé. « Voilà ce que cachait la terre de Suse, répondrai-je ; il n’a pas dépendu de moi que ces objets ne fussent d’or fin. »

— Au reste le gouverneur ne vous abandonnera pas le moindre tesson. Lors de votre arrivée, j’ai fait sonder Son Excellence. Voici, en propres termes, sa réponse : « Hassan peut travailler sans scrupule et gagner de son mieux l’argent des Faranguis. Les talismans de Daniel ne sortiront jamais du pays. » Saheb, vous ne voulez pas la mort d’un serviteur zélé ? Ne m’ordonnez pas d’aller à Dizfoul et de commander des caisses : je serais lapidé. »

Sur ces entrefaites entre Mirza Abdoul-Raïm.

La lettre de Mozaffer el Molk contient la copie d’une pétition adressée au gouverneur par les mollahs de l’Arabistan. Elle est écrite en un persan mâtiné d’arabe et fort difficile à comprendre. J’y démêle que les orages, la destruction des récoltes, sont l’œuvre des Faranguis. De nouveaux malheurs s’abattront sur le pays si on enlève les talismans déposés à Suse pour le salut de la contrée. Mozaffer el Molk s’autorise de son inaltérable amitié pour prier le chef de la mission de clore la campagne. L’année prochaine il passera l’hiver à Dizfoul et sera mieux à même de nous protéger. Marcel a répondu qu’il tiendrait compte du désir de Son Excellence.

Il lui en coûtera d’autant moins que bon nombre d’ouvriers ont déposé la pioche pour la faucille, et que les chantiers comptent à peine une centaine de Dizfoulis. Viendrait l’heure où les derniers ouvriers déserteraient.

26 avril. — Ousta Hassan se cache depuis deux jours. « Que fais-tu ? Saheb ne t’a-t-il pas ordonné de commander des caisses ? lui ai-je dit ce soir, comme il pointait le bout de son nez près du capar des Loris. Nous n’avons plus besoin de tes services si tu n’amènes pas ici un menuisier. Tu désires une lettre de recommandation, tu veux être l’entrepreneur des travaux à venir : montre-toi digne de la confiance de Saheb et des faveurs que tu ambitionnes. »

Il est parti.

Nous allons enfin connaître les intentions du gouverneur. S’il cède aux réclamations des mollahs et s’oppose à l’enlèvement des talismans de Daniel, pas un