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FIN DE LA PREMIÈRE CAMPAGNE.

anthropologiques. Les clients ont d’abord fait quelques façons. « Comment apprécierai-je la dose de médicament que je dois te donner, si j’ignore ta force et ta grosseur ? »

3 mai. — La paix soit avec le gouverneur de la province ! Le stratagème de Marcel a été couronné d’un plein succès. Mirza Abdoul-Raïm, Ousta Hassan et le nadjar bachy nous sont apparus comme le soleil se couchait. Des astres de pareille grandeur ne pouvaient se rencontrer ensemble au-dessus de l’horizon. Un mulet chargé de quatre caisses échantillons fermait le cortège. Elles sont bâclées, je n’ose dire faites, en bois noueux, assemblées avec des clous forgés à Dizfoul et si mous que, sans l’aide du vilebrequin, ils ne sauraient pénétrer les planches. Nos lions sortiront de Suse, mais les urnes funéraires y resteront par ordre formel de Son Excellence. Quant à emporter les fragments de taureau, il n’y faut pas songer sans l’aide d’une chèvre et d’un charpentier européen.

9 mai. — Depuis une semaine nous emballons nos briques et préparons le départ. Mirza Abdoul-Raïm, devenu souple comme un domestique la veille du jour de l’an, nous présenta dernièrement un tcharvadar Beni-Laam. Attar, grâce à sa parenté avec le chef de la grande tribu turque, traverse le désert entre Dizfoul et Amara sans que ses caravanes soient inquiétées.

Il vaudrait mieux prendre le chemin de Chouster, qui longe les grands fleuves de l’Arabistan ; mais la crainte de voyager en pays persan avec les talismans du prophète a dicté notre choix.

Attar viendra le 11 lier les bagages ; le 12 mon mari et moi ferons nos adieux aux tumulus ; nous n’osons confier à personne le soin de conduire au Louvre nos précieux colis. MM. Babin et Houssay, qui ne sauraient sans danger passer l’été en Susiane, gagneront la Perse centrale.

Avant de congédier les derniers ouvriers, Marcel leur offrit un banquet. Deux cents convives s’assirent devant le pilau de Gamache ; mouton, riz, eau du Chaour furent servis à discrétion. Total de l’addition : 18 francs.

Les estomacs satisfaits sont enclins à la reconnaissance ; après le festin, une députation monta aux tentes et le plus beau parleur de la troupe harangua les membres de la mission.

Les vertus auxquelles nous sommes redevables de ce bouquet oratoire valent la peine d’être rappelées : Marcel, le hakemé bozorg (grand gouverneur), fut comparé à Salomon : il défendit les droits des ouvriers avec la fermeté d’un mouchteïd et ne fit pas appliquer un seul coup de bâton ; M. Babin, le hakemé koutchek (petit gouverneur), paya les salaires sans prélever de madakhel ; M. Houssay, le hakim bachy (médecin en chef), distribua aux faibles comme aux forts soins et remèdes gratuits. Je n’ai pas été oubliée dans ce palmarès.