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À SUSE.

Lorsque les deux bateaux furent prêts, on les confia aux soins de marins allemands, chargés d’amener le plus grand en rade de Bouchyr et de conduire le plus petit, simple embarcation de plaisance, à l’embouchure du Karoun.

Le Persépolis ne saurait servir de vaisseau-école, car les officiers refusent d’instruire les marins indigènes ; le roi n’ose remercier l’état-major, dans la crainte, peut-être fondée, de perdre sa flotte s’il la confie à ses favoris ; faute de combustible, le navire ne manœuvre pas. La coque se couvre d’une végétation particulièrement touffue dans le golfe Persique, et l’un de ces matins on s’apercevra que le Persépolis a poussé de si profondes racines qu’il est solidement accroché au fond de la mer.

Dernièrement, le roi, fatigué de payer tous les mois la solde des officiers et de l’équipage, ordonna de mettre son aviso à la disposition du commerce.

Les immenses salons de l’andéroun occupent la plus grande partie du bâtiment ; les cales sont fort petites, et, fussent-elles bondées, le fret ne saurait payer le charbon que consomme la machine. D’autre part, les négociants refusèrent de confier leurs marchandises au bateau de Sa Majesté : vers qui se fussent-ils retournés en cas de sinistre ?

Seul le malekè toudjar pouvait sauver le monarque. Il est entré hier dans la bonne voie. La poudre manquait pour tirer en l’honneur de l’anniversaire de la naissance de Nasr ed-Din Chah la salve réglementaire — autant de coups de canon que d’années — les magasins du nouvel amiral y ont pourvu.

Prends garde, malekè toudjar ! Zellè Sultan te demandera bientôt tes douze femmes et ta machine à glace ; et tu seras heureux si, ta vie durant, il te reste deux chaïs par jour pour te nourrir de concombres !

15 novembre. — Grâce à la poudre du malekè toudjar, aux canons de la France et de l’Angleterre, la naissance du roi fut fêtée bruyamment. Les trois navires étaient pavoisés de drapeaux multicolores, les barques indigènes parcouraient la baie ; la ville elle-même s’animait sur le soir aux clartés fumeuses des lampions, et le télégraphe transmettait à Sa Majesté la nouvelle de la superbe manifestation internationale faite en son honneur dans le grand port de l’empire. Puisse cette dépêche rappeler à la Kébla de l’univers que nous attendons son bon plaisir !

Nos jeunes camarades nous ont rejoints, le temps passe, et l’autorisation de recommencer les fouilles s’attarde dans les cartons ministériels. Une lettre de la légation de France, une dépêche du docteur Tholozan assurent que toutes les difficultés sont levées…, mais nous conseillent de surseoir à notre départ.

17 novembre. Bassorah. — Nous nous morfondions à Bouchyr. Le Scorpion