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BASSORAH.

avait hâte de reprendre sa route vers Madagascar. Marcel n’a pas hésité à franchir une nouvelle étape contre vent et marée et à se rapprocher du tombeau de Daniel, tout en gardant ses communications télégraphiques avec la Perse.

Novembre s’achève, le pèlerinage d’avril ne doit pas trouver les chantiers ouverts : quel temps nous restera-t-il pour exécuter les fouilles, si l’on ajourne indéfiniment notre entrée en Susiane ? Marcel a changé les fonds dont nous disposons contre des krans persans, et, afin d’éviter les difficultés administratives ou financières qui se présentèrent quand nous dûmes extraire des coffres du gouverneur l’argent déposé chez Zellè Sultan, il a partagé le trésor entre les quatre cantines où sont enfermés nos vêtements.

Il s’agit maintenant de n’être point pillés. Chacun sachant que, l’hiver dernier, la fortune de la mission était déposée à Dizfoul, nous espérons franchir le hor et le désert sans exciter les convoitises des nomades.

Comme le Scorpion poussait ses feux, un navire de la Compagnie British India mouillait près de lui. Je ne pensais pas que ses larges flancs portaient la frise des lions confisquée par la douane de Bassorah. Dès notre arrivée à Bouchyr, une dépêche avisait MM. les Turcs de la venue prochaine d’une canonnière française, autorisée, disait-on, à réclamer, au nom du gouvernement de la République, les collections indûment saisies.

Le directeur de la douane fut pris d’une telle frayeur, qu’il oublia son serment de vendre à prix d’or la liberté de nos caisses. Un navire anglais était en partance : « Au nom de Aïssa, retardez votre départ ; nous vous portons les colis de M. Dieulafoy, s’écriait un officier accouru à force de rames. Débarrassez-nous de cette vermine française ; les belems accosteront dans quelques instants. »

Les frises seront déposées à Port-Saïd et rechargées sur un navire des Messageries. Marcel a écrit au consul de France pour le prier de veiller à ce transbordement. Si nos dépouilles terrestres engraissent le sol de la Susiane ou les poissons de l’Océan, la mère patrie conservera du moins un beau témoignage des travaux et des efforts de ses enfants.

18 novembre. Bassorah. — La venue du Scorpion produit ici la meilleure impression. Turcs et Arméniens semblaient croire que, depuis nos désastres, l’unique flotte du monde était celle de Sa Gracieuse Majesté ; tous le regrettaient sincèrement. L’Anglais n’est pas aimé de ces populations musulmanes, auxquelles il rend cependant de si grands services : le joug est lourd, la main dure, brutale. À l’étranger on respecte le fils d’Albion parce qu’il est fort et puissant, on estime son honnêteté commerciale ; nulle part je n’ai vu qu’il ait su inspirer de la sympathie.

« Que viennent donc faire les Français ? disaient derrière nous quelques gros