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À SUSE.

des dispositions prises, des points qui demandent une surveillance spéciale.

Le samovar bouillonne, le thé fume, ces messieurs saisissent leur kalyan, puis c’est une envolée générale.

Marcel fait tous les matins une tournée complète. Je l’accompagne lorsque la découverte des lions ne nécessite pas ma présence constante sur le chantier. Descendons les pentes raides du tumulus achéménide, traversons la grande vallée comprise entre les trois surélévations, gravissons les éboulis de matériaux et de détritus dont se composent les flancs séculaires du tumulus oriental et suivons la dépression que prolonge le contrefort si vigoureusement attaqué l’année dernière : elle nous conduira directement à une large crevasse, pénétrant fort avant dans le massif.

Les fouilles exécutées sur ce point présentent un intérêt particulier. Depuis le début des travaux, douze ouvriers nettoient les parois de la crevasse. Hier ils rencontraient, au milieu de nombreux débris de poteries, une statuette d’Anaïta ; aujourd’hui apparut une dalle de marbre noir couverte de cunéiformes perses. La traduction du texte sera entreprise dès que la pluie nous confinera au logis. Près de cette inscription se dressait un mur mal construit, où les matériaux de terre se mêlaient avec des tronçons de colonnes et des pierres sculptées, divisés en menus éclats. Plusieurs fragments appartiennent aux encadrements d’une porte et rappellent, sous des profils plus grécisants, les montants et les linteaux des baies persépolitaines. Deci, delà, on rencontre quelques émaux, détachés, semble-t-il, de la frise des lions.

Le monument est détruit, saccagé. Sa découverte ne serait pas décisive si le hasard ne s’était chargé de compléter les renseignements fournis par un travail méthodique et patient.

Les pâtres du tombeau de Daniel conduisent volontiers leurs bêtes dans les fondrières humides, où l’herbe nouvelle commence à montrer ses feuilles vertes tandis que la plaine est encore sèche. Entre toutes, celles où ils ont l’espoir de trouver des amis sont les préférées. On causera de la pluie, du beau temps, des Faranguis, thèmes inépuisables ; puis le nouveau venu appliquera ses lèvres à l’orifice de la plus primitive des pipes. Cet ustensile, composé d’un fourneau et d’un conduit creusés en terre, remplace le kalyan, interdit pendant les heures de travail, et disparaît caché sous une motte de terre quand on signale l’approche d’un membre de la mission. Saisis de la plus louable émulation, il est même des bergers qui ont entrepris pour leur compte personnel des fouilles contemplatives. Les yeux travaillent seuls, mais quels yeux ! Ils perceraient la croûte terrestre sans pioche ni tarière.

Aussi bien n’ai-je point été surprise quand le gardien de nos moutons, les mains pleines de morceaux de bronze, vint m’apprendre que ces fragments provenaient