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LES PARSIS.

Le destour (chef des prêtres), un homme de haute taille, aux yeux noirs très fendus, à la barbe coupée en pointe, se présente. Comme ses ancêtres les mages, il est vêtu d’étoffes de lin. Autour de ses cheveux frisés s’enroule un turban de mousseline, plus blanc, s’il est possible, que ses vêtements. La conversation s’engage en persan et prend vite une tournure familière. Le mobed me montre les instruments du culte : bassin d’argent servant à triturer les brindilles de grenadier employées dans les sacrifices, pinces de même métal destinées à toucher le feu sacré, voile blanc qu’on attache devant la bouche du prêtre pour préserver la flamme divine de toute souillure. On apporte également les textes sacrés des Zoroastriens imprimés aux Indes : le Vendidâd, compilation religieuse, le Vispêred, collection de litanies pour le sacrifice, et le Yasna, recueil d’hymnes écrites dans une langue plus ancienne que les deux premières parties de l’Avesta. Voici encore le « Petit Avesta », composé de courtes prières que les fidèles doivent prononcer à certains moments du jour, du mois, de l’année et en présence des différents éléments.

Puis un guide nous conduit jusqu’au dakhma, situé sur un piton. Un sentier très raide débouche auprès de la tour réservée à la sépulture des prêtres ; à mesure qu’on s’élève, le panorama de la ville, blanche au milieu des rochers gris, apparaît plus saisissant. Avant d’atteindre le sommet du pic, on abandonne le sentier pour gravir des degrés taillés dans la pierre et l’on arrive enfin devant la porte d’une enceinte circulaire. Pas de clef à la serrure ; un premier gamin fait la courte échelle ; un second, s’aidant des aspérités du mur, franchit la clôture, pousse le verrou et nous introduit dans la place. Un porche rustique où les morts font antichambre précède la tour du Silence, dont la porte, celle-ci inviolable, dissimule aux yeux des profanes les tristes débris qu’elle conserve.

De nombreux corbeaux interrompent leur ronde macabre et s’éloignent en poussant des cris de colère. Le dakhma possède depuis peu de jours un nouveau locataire : à défaut des corbeaux, une odeur nauséabonde décèlerait le cadavre.

Les guèbres ne sont pas arrivés sans difficulté à pratiquer leurs rites funéraires. Les musulmans protestent, non sans raison, contre les émanations intolérables qui se dégagent du dakhma et, plus encore, contre les souillures auxquelles les expose ce cimetière en plein vent. Rarement conviés à un régal de chair humaine, les oiseaux de proie se livrent de véritables combats sur les corps et parfois laissent tomber les lambeaux de chair ou les ossements emportés à tire-d’aile. Un grillage recouvre la tour ; mais, comme la précipitation avec laquelle un cadavre est dévoré témoigne du bon accueil qu’Aouramazda fait à l’âme du défunt, les règlements de police doivent souvent être violés. Laissons aux goules emplumées le soin de préserver de toute souillure la terre, l’eau ou le feu.

En sortant du temple guèbre, nous prenons la direction des citernes, pièce de