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LES CITERNES.

fenêtres se ferment, et aucun bruit importun ne vient troubler la sieste. Chut !… la ville dort. Deux heures avant le coucher du soleil, un coup de canon retentit, suivi de bruyantes détonations. On met le feu aux mines que les officiers du Royal Engineer font journellement forer pour installer des batteries nouvelles. Steamer-Point se réveille. Arabes et Somalis descendent des chantiers ; les uns prennent le chemin d’Aden ou de Malla, les autres se dirigent vers le bazar des bouchers et des marchands de comestibles.

[Image à insérer] MÉNAGÈRE SOMALIE.

La chaleur tombe ; le high-life se montre dans de beaux équipages et circule sur la route poudreuse qui longe la mer, passe devant le temple protestant, l’église catholique, le sémaphore et le bureau télégraphique situé à cinq kilomètres du port. Voici le moment où triomphent les mirobolants panaches des plus élégantes ladys et les chevaux des officiers les mieux montés. À six heures chacun rentre au logis et y demeure. Seuls les étrangers ou les militaires se rendent dans un café-concert dont les murs bleus, l’orchestre discordant et les demoiselles badigeonnées affoleraient les mélomanes les plus affamés de musique.

Une fois la semaine, le canon du sémaphore annonce, par trois ou deux coups, l’arrivée d’un bâtiment de la compagnie Péninsulaire Orientale ou des Messageries françaises. Fût-ce l’heure sacrée de la sieste, la ville s’émeut à ce bruit. Les cochers endormis dans leur voiture se dressent en sursaut et courent vers le débarcadère ; les hôteliers gourmandent leur chef, préparent des glaces et des sorbets ; les boutiquiers ouvrent leurs comptoirs. Bientôt arrivent des troupeaux de voyageurs, heureux de fouler un sol immobile. Les uns s’empilent dans des voitures et courent vers les citernes d’Aden ; les autres envahissent les