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ORMUZD.

chrétiens appartenaient aux Anglais. Les vaincus eurent-ils à se louer de cette clause spéciale ? J’en doute. Après s’être vanté de son humanité, Mormox, le chef de l’expédition, écrit naïvement : « C’est du ciel qu’il me faut désormais attendre ma récompense, car les Portugais ne sont guère reconnaissants » (1621).

En apprenant la reddition d’Ormuzd, Chah Abbas fut transporté de joie et n’eut plus qu’un souci : manquer à ses engagements. Il dénia aux Anglais le droit de s’installer dans l’île ou sur tout autre point du golfe et accabla de vexations ses anciens complices ; depuis cette époque, l’histoire des factoreries de Gombroun se réduit au récit des dangers et des misères dont pâtissent les établissements commerciaux dans les pays où le bon plaisir tient lieu de loi. Chah Abbas ne profita pas de la ruine des comptoirs portugais ; il crut avoir assez fait pour la prospérité de Gombroun en changeant son ancien nom contre celui de Bender-Abbas (Port d’Abbas).

Franchissons deux siècles. Bender-Abbas avait été cédé au sultan de Mascate contre une redevance annuelle ; le locataire manqua bientôt à ses engagements. Le chah demanda la restitution de la ville, qui n’avait jamais été vendue, mais affermée ; l’imam de Mascate fit la sourde oreille, et la guerre fut déclarée.

Un corps de troupes composé de cinq mille hommes, choisis parmi les toufangtchis des provinces de Chiraz et de Kirman, indisciplinés, mal vêtus, minés par la fièvre, prit la route de Bender-Abbas. L’attaque fut fixée au 9 du Rabi oul awal (1854). Au moment d’agir, les chefs se trouvèrent en complet dissentiment. Depuis l’aurore jusqu’à trois heures du soir, ils discutèrent le plan d’attaque. Enfin les troupes s’ébranlèrent. Elles arrivèrent jusqu’à trois cents pas de la ville sans perdre un homme, bien que les Arabes les eussent saluées de quatre décharges successives.

Vous vous représentez les sapeurs ouvrant des parallèles, tressant des fascines, dressant des gabions farcis ? Détrompez-vous : l’armée était munie de huit pioches, et les seuls fourneaux creusés avec ces outils furent les fourneaux destinés à cuire le pilau des régiments.

Après avoir reçu sans dommage les bordées des Arabes, les toupchis (canonniers) royaux jugèrent qu’ils devaient riposter : il y allait de leur dignité. Leurs quatre pièces firent beaucoup de bruit et peu de mal. Les officiers avaient déjà déclaré qu’après une journée si bien remplie il était grand temps de se reposer, quand un maçon suédois, promu récemment médecin principal des armées persanes, réunit dix soldats et leur promit cinq tomans (cinquante francs), la première moitié payable d’avance, la deuxième après l’exécution de son projet, s’ils parvenaient à occuper une petite éminence voisine des murs. Ces héros, à cinq francs pièce, s’élancent et atteignent le but sans blessure. L’impulsion est donnée. L’enthousiasme devient général. Craignant une attaque sérieuse et ne doutant pas que l’ennemi, maître des hauteurs qui commandent la ville, n’y traînât ses canons, les Arabes désertent